Shogun
avons le
temps, se dit-il.
Oui, c’est un bon plan, mais je n’avais
pas prévu l’embuscade. Ça m’a coûté trois jours de
sécurité. Kiri était sûre de pouvoir garder le secret pendant au moins trois
jours. Il n’y a plus de secret maintenant et je ne pourrai pas monter à bord de
la galère et me retrouver en pleine mer. À qui était destinée
l’embuscade ? Moi ou le pilote ? Oui , m ais les
archers étaient éloignés ; il était difficile de voir et il était de toute
façon plus sûr de nous tuer tous les deux, au cas où.
Qui a ordonné cette attaque ? Kiyama ou Onoshi ?
Les Portugais ou les pères chrétiens ? Toranaga se retourna pour vérifier
si le pilote était toujours là. Il vit qu’il tenait bien et que la femme
marchait à ses côtés. Cette nuit, c’est la deuxième fois que je risque ma peau
ici, pensa-t-il. Cette forteresse va-t-elle être vraiment ma némésis ? Le Taikô
m’a souvent dit :
« Tant que la forteresse d’Osaka existera, ma lignée n e mourra pas et vous aurez, Toranaga-Minowara, votre épitaphe
gravée sur ses murs. Osaka sera votre mort, mon fidèle vassal ! »
Est-ce que le Taikô vit toujours à travers Yaemon ?
Qu’il vive ou non, Yaemon est son héritier légal.
Toranaga détacha avec effort ses yeux de la forteresse,
tourna au coin d’une autre rue et marcha rapidement dans un dédale de ruelles.
Il finit par s’arrêter devant une vieille porte usée. Un poisson était sculpté
dans le bois. Il frappa selon un signal codé. La porte s’ouvrit immédiatement.
Le samouraï hirsute s’inclina aussitôt. « Sire ?
— Amène tes hommes et suis-moi, dit Toranaga.
— Avec joie. » Ce samouraï ne portait pas
l’uniforme brun, mais les hardes dépareillées d’un ronin. Il appartenait
aux troupes d’élite secrètes que Toranaga avait dispersées dans Osaka, en cas
d’urgence. Quinze hommes, pareillement vêtus et aussi bien armés, le suivirent
et prirent rapidement leurs postes en éclaireurs et en arrière-garde, tandis
qu’un autre se dépêchait d’aller avertir les autres éléments secrets. Toranaga
eut bientôt cinquante hommes avec lui. Cent autres protégeaient ses flancs. Un
millier seraient prêts à l’aube, s’il avait besoin d’eux. Il se détendit et
ralentit l’allure, sentant que le pilote et la femme se fatiguaient.
Toranaga se tenait dans l’ombre des dépôts et
observait la galère, le quai, le rivage. Yabu était à ses côtés. Les samouraïs
formaient un cordon serré, en contrebas de la ruelle. Un détachement important
de Gris attendait près de l’échelle de coupée de la galère, à quelques
centaines de pas de là, de l’autre côté d’un terre-plein qui prévenait ainsi de
toute attaque-surprise. La galère était solidement amarrée aux bollards du quai
qui s’étirait sur une centaine de mètres en mer. Les avirons étaient
soigneusement bordés. Toranaga vit indistinctement plusieurs marins et soldats
sur le pont.
« Sont-ils des nôtres ? demanda-t-il doucement.
— C’est trop loin pour s’en assurer », répondit
Yabu.
C’était la marée haute. Au-delà de la monère, des bateau x de pêche entraient et sortaient. Au nord, le long du rivage , évoluait toute une flottille d’embarcations de tailles
diverses. À cinq cents pas, vers le sud, le long d’un autre quai en pierre,
était amarrée la frégate portugaise, la Santa Theresa. À la lumière des
torches, des groupes de porteurs chargeaient des paquets, des balles et des
tonneaux. Des Gris patrouillaient aux abords. C’était chose habituelle puisque
tout bateau portugais ou étranger était de par la loi sous surveillance
constante. Les bateaux portugais pouvaient librement entrer et sortir du port
de Nagasaki seulement.
Si la sécurité pouvait être renforcée, nous pourrions dormir
plus tranquillement, se dit Toranaga. Oui, mais peut-on les enfermer et
continuer à commercer avec la Chine ? Voilà le piège auquel les barbares
du Sud nous ont pris et duquel nous ne pouvons sortir. En tout cas, pas tant
que les daimyôs chrétiens dominent Kyushu, tant que nous avons besoin
des prêtres. Ce que nous pouvons faire de mieux, c’est ce qu’a fait le Taikô. Donner un petit peu aux barbares, faire semblant de le leur
reprendre en essayant de bluffer, en sachant pertinemment que,
sans le commerce avec la Chine, la vie est impossible.
« Avec votre permission, Sire, je vais faire donner
l’attaque
Weitere Kostenlose Bücher