Shogun
fouiller tous les points du compas. La galère devait être repérée et
marquée depuis qu’elle avait changé de route. Les deux canons arrière, pièces
de trente, devaient être pointés sur eux. Les canonniers portugais étaient les
meilleurs du monde, après les Anglais. Ils savent tous que Toranaga est là, se
dit-il avec amertume, parce qu’ils sont futés et qu’ils ont certainement
demandé aux porteurs et aux Gris ce qui se passait. De toute façon, à l’heure
qu’il est, ces maudits Jésuites qui savent toujours tout ont sûrement répandu
la nouvelle de son évasion et de celle de Toranaga.
« Mon maître demande quelle est la coutume quand vous
voulez approcher d’un bateau de guerre ?
— Si vous aviez des canons, vous le salueriez ou vo us pourriez faire des signaux avec des pavillons pour leur
demander la permission de venir à bord.
— Et si vous n’avez pas de pavillons ? »
Ils étaient encore hors de portée des canons. Les mantelets
de sabord étaient toujours fermés. Blackthorne avait pourtant la sensation
d’être assis sur un baril de poudre. Ce bateau avait huit canons de chaque côté
du pont principal, deux à l’arrière et deux à l’avant. L’ Érasme aurait
pu en venir à bout, se dit- il.
« Dites au capitaine d’envoyer le pavillon de Toranaga
au haut du mât. Ce sera suffisant, senhora. Ce sera officiel. Ils sauront ainsi
qui est à bord, mais je parie qu’ils le savent
déjà. »
Ainsi fut fait. Tout le monde à bord de la galère sembla
reprendre confiance. Blackthorne nota le changement. Il se sentait lui aussi
rassuré, à l’abri de ce pavillon.
« Comment obtient-on la permission de venir bord à
bord ?
— Dites à sire Toranaga qu’il a deux possibilités s’il
n’a pas de pavillons de signalisation : il attend, hors de portée des
canons, et il envoie une délégation à bord de l’autre bateau ou nous nous
mettons à portée de voix.
— Mon maître demande quelle est la solution que vous
préconisez ?
— Venir directement bord à bord. Aucune raison d’être
prudent. Sire Toranaga est à bord. Il est le plus important daimyô de
l’empire. Ils vont, bien sûr, nous aider et…
— Senhor ? »
Mais il ne répondit pas. Elle traduisit donc rapidement ce
qu’il avait dit et écouta la question suivante de Toranaga. « Mon maître
demande ce que va faire la frégate. Précisez votre pensée et la raison pour
laquelle vous vous êtes arrêté.
— Je me suis tout à coup souvenu qu’il était en guerre
avec Ishido. La frégate n’est peut-être pas disposée à l’aider.
— Bien sûr que si.
— Non. Quel est le parti qui rapporte le plus aux
Portugais ? Sire Toranaga ou sire Ishido ? S’ils pensent que c’est
Ishido ils nous tomberont dessus. Ça ne fait pas un pli !
— C’est impensable que les Portugais ouvrent le feu sur
un bateau japonais, dit Mariko.
— Croyez-moi. Ils le feront, senhora. Je parie
que cette f régate ne nous
laissera pas venir bord à bord. Je vous en empêcherais d’ailleurs, si j’étais
le pilote. » Blackthorne fixa la terre.
Les Gris avaient quitté la jetée et se répandaient
parallèlement au rivage. Aucune chance de ce côté-ci, pensa-t-il. L es bateaux de pêche bouchaient toujours l’entrée du port. Pas plus d e chances de ce côté-là.
« Dites à Toranaga qu’il n’y a qu’une possibilité pour
sortir de ce port. Il ne nous reste plus qu’à espérer une tempête. Nous
pourrions peut-être alors passer à travers les mailles du filet. »
Toranaga posa quelques questions au capitaine, puis Mariko
dit à Blackthorne : « Mon maître demande si vous pensez qu’une
tempête va éclater.
— Mon nez me dit que oui. Mais pas avant plusieurs
jours. Deux ou trois. Peut-on attendre jusque-là ?
— Votre nez vous le dit ? La
tempête a-t-elle une odeur ?
— Non, senhora. Ce n’est qu’une expression. »
Toranaga soupesa le pour et le contre, puis donna un ordre.
« Nous venons à portée de voix, Anjin-san.
— Dites-lui alors de venir directement vers la poupe.
C’est là que nous constituons la plus petite cible. Dites-lui qu’ils sont rusés
et mauvais. Je les connais. Dès que leurs intérêts sont en danger, ils sont
pires que les Hollandais ! Si ce bateau aidait Toranaga à s’en sortir,
Ishido se retournerait contre les Portugais. Ils ne veulent certainement pas
courir ce risque.
— Mon maître dit que nous aurons bientôt
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