Shogun
qui
servirait d’équipage ? Tu ne peux pas te sauver seul avec ton bateau.
D’où vient cette galère ? Quel est le motif de sa
présence ? Il voyait des grappes de samouraïs et de marins, en bas sur les
quais. Le vaisseau à soixante avirons – trente de chaque côté – était propre et
soigné. Les rames étaient alignées, prêtes pour un départ imminent. Il
frissonna involontairement.
Ils traversaient maintenant la place. Ses yeux quittèrent la
galère pour venir se poser sur les trois samouraïs qui gardaient l’entrée de la
trappe. Ils mangeaient habilement à l’aide de baguettes. Il les avait déjà vus
en utiliser plusieurs fois, mais n’arrivait pas à les maîtriser lui-même.
« Omi-san ! » Il expliqua par signes qu’il
voulait se rendre jusqu’à la trappe pour saluer ses hommes. Un instant, un tout
petit instant. Mais Omi refusa et dit quelque chose qu’il ne comprit pas. Il
poursuivit son chemin en direction de la jetée. Blackthorne suivit, obéissant.
Une seule chose à la fois. Prends patience.
Une fois sur la jetée, Omi se retourna et appela les gardes.
Blackthorne les vit ouvrir la trappe et jeter un coup d’œil dans le trou. L’un
d’entre eux fit signe à des villageois qui apportèrent l’échelle. Ils
descendirent un baril d’eau fraîche et remontèrent le tonneau vide ainsi que
celui qui servait de latrines.
Des groupes de samouraïs s’étaient formés près de la galère.
Un homme âgé, de forte stature, se tenait à l’écart. Blackthorne comprit
immédiatement son importance à la façon dont le daimyô Yabu lui parlait
et à la façon dont les autres accouraient à la moindre de
ses remarques. Est-ce leur roi ? se demanda-t-il.
Omi s’agenouilla humblement. Le vieil homme s’inclina à
moitié et tourna son regard vers lui.
Blackthorne s’agenouilla avec le maximum de grâce possible
et posa ses mains à plat sur le sol sablonneux, comme l’avait fait Omi. Il
s’inclina aussi bas qu’il s’était incliné.
« Konnichi wa, sama », dit-il poliment.
Le vieil homme lui rendit son salut.
Une discussion éclata entre Yabu, le vieil homme et Omi.
Yabu s’adressa à Mura qui indiqua du doigt la galère. « Anjin-san, s’il
vous plaît, là.
— Pourquoi ?
— Aller maintenant, aller ! »
Blackthorne sentit la panique grandir en lui.
« Pourquoi ? Non, je ne monterai pas à bord de cette galère. »
Un ordre immédiat d’Omi et quatre samouraïs lui tombèrent
dessus. Ils lui ligotèrent les bras. Mura sortit un morceau de corde et lui
attacha les mains dans le dos.
« Espèce de fils de pute ! hurla Blackthorne. Je
ne monterai pas à bord de ce maudit bateau à esclaves !
— Sainte Mère de Dieu ! Laissez-le
tranquille ! Espèce de charognards à gueule simiesque ; laissez ce
salopard tranquille ! Kinjiru, neh ? C’est le pilote.
L’Anjin ? L’Anjin, ka ? »
Blackthorne n’en croyait pas ses oreilles. Ce flot d’injures
en portugais était parti du pont. Il vit un homme, aussi grand que lui et
environ du même âge. Mais il était brun, les yeux noirs et vêtu n’importe
comment. Une rapière au côté, des pistolets dans la ceinture. Un crucifix en
pierreries pendait à son cou. Il portait une casquette de capitaine d’armes. Il
arborait un sourire.
« T’es le pilote ? Le pilote du corsaire
néerlandais ?
— Oui, s’entendit répondre Blackthorne.
— Bien. Bien. Je suis Vasco Rodrigues, pilote de cette
galère ! » Il se tourna vers le vieil homme et lui
parla dans un mélange de japonais et de portugais. Il l’appelait
singe-sama et quelquefois, Toda-sama. À la façon dont il prononçait le mot, on
avait l’impression qu’il disait « Taudis-sama ». Il sortit son
pistolet deux fois et le pointa belliqueusement sur Blackthorne, puis le
rengaina dans sa ceinture. Son japonais était mêlé d’argot portugais que,
seuls, des loups de mer pouvaient comprendre. Hiro- matsu parla b rièvement
et le samouraï lâcha Blackthorne. Mura le libéra de ses entraves.
« C’est mieux comme ça. Écoute-moi, pilote ; cet
homme est traité comme un roi. Je lui ai dit que je te prenais sous ma responsabilité
et que je te défoncerais le crâne aussi vite que je me mettrais à boire avec
toi ! »
Rodrigues salua Hiro-matsu, puis se tourna rayonnant vers
Blackthorne.
« Salue le salopard-sama ! »
Blackthorne s’exécuta comme dans un rêve.
« Tu le fais comme un Jap, lui dit
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