Shogun
ait pu les mettre, la servante « Onna »
s’était précipitée, agenouillée et l’avait aidé.
« Merci, Haku-san », avait-il dit, se souvenant de
son vrai nom.
Il passa la porte. Omi le précédait.
Je t’ai à l’œil, espèce de putain de salo… un instant !
Souviens-toi de ce que tu t’es promis. Pourquoi l’insulter ?
T’insulter ? Il ne t’a pas insulté, lui. Dire des grossièretés
n’appartient qu’aux faibles et aux fous. N’est-ce pas ?
Une seule chose à la fois. C’est déjà bien suffisant de
l’avoir à l’œil. Tu le sais très bien. Il le sait très bien.
Blackthorne descendit la colline, escorté par quatre
samouraïs. Le port était encore caché à sa vue. Mura marchait discrètement à
dix pas en arrière. Omi était en tête.
Me font-ils descendre pour me remettre dans le trou ?
se demanda-t-il. Pourquoi voulaient-ils me lier les mains ? Omi n’a-t-il
pas dit hier – était-ce hier ? – « Si vous vous tenez bien, vous
pourrez rester dehors. Si vous vous tenez bien, un autre homme sortira du trou,
demain. Peut-être un. Peut-être plus » ?
N’est-ce pas ce qu’il a dit ? Me suis-je bien tenu ? Je me demande
comment va Croocq ? Le gars était vivant quand ils l’ont emmené dans cette
maison où l’équipage habitait.
Blackthorne se sentait mieux aujourd’hui. Il savait que,
s’il était prudent, s’il pouvait se reposer, manger et dormir, il serait
d’aplomb dans un mois. Il pourrait repartir sur son bateau et faire le tour de
la terre. Ne pense pas encore à ça ! Épargne tes forces pour aujourd’hui,
c’est tout. Un mois, c’est long à attendre, n’est-ce pas ?
La marche à travers le village le fatiguait. Tu es plus
faible que tu ne le pensais… non, tu es plus fort que tu ne le pensais,
décida-t-il.
Les mâts de l’ Érasme apparaissaient au-dessus des
toits en tuile. Son cœur se mit à battre très fort. La route continuait devant
lui, contournait le pied de la colline et se terminait sur la place du village.
Un palanquin, aux rideaux tirés, attendait dans le soleil. Quatre porteurs,
seulement vêtus d’un pagne, étaient accroupis à côté et se curaient les dents,
d’un air absent. Ils se levèrent et s’inclinèrent avec fougue en voyant Omi.
Il ne fit pas attention à eux. Une jeune femme sortit d’une
maison au portail ouvragé et se dirigea vers le palanquin. Omi s’arrêta.
Blackthorne retint sa respiration et s’arrêta également.
Une jeune servante accourut avec une ombrelle verte pour
abriter la jeune fille du soleil. Omi salua. La jeune fille lui rendit son
salut. Ils se mirent à parler joyeusement. L’arrogance d’Omi avait disparu. La
jeune femme portait un kimono couleur pêche, un obi doré
et des sandales lacées, dorées. Blackthorne rencontra son regard. Elle parlait
visiblement de lui avec Omi. Il ne savait que faire. Il ne fit donc rien et
attendit patiemment, prenant seulement un immense plaisir à sa présence, sa
coquetterie et à la chaleur qui émanait d’elle. Il se demanda si Omi et cette
jeune fille étaient amants, si elle était la femme d’Omi.
Celui-ci demanda quelque chose. Elle répondit en agitant un
éventail qui frémissait et dansait dans la lumière. Son rire était chantant. Sa
délicatesse, charmante. Omi souriait également. Il tourna ensuite les talons et
s’en alla. Il était redevenu samouraï.
Blackthorne le suivit. Elle le fixa du regard. Quand il
passa devant elle, il lui dit : « Konnichi wa. »
Elle répondit : « Konnichi wa, Anjin-san »,
d’une voix touchante. Elle mesurait à peine un mètre cinquante et était
ravissante.
Le parfum de la jeune fille le poursuivait encore quand ils
tournèrent le coin de la rue. Il vit la trappe, l’ Érasme, et la galère.
La jeune fille disparut de son esprit.
Pourquoi les sabords sont-ils vides ? Où sont nos
canons ? Que fait une galère ici, pour l’amour de Dieu ? Que s’est-il
passé dans le trou ? Une seule chose à la fois.
D’abord l’ Érasme : nous pourrions facilement le
mener en haute mer. Nous pourrions larguer les amarres. La marée et le vent du
soir nous porteraient en silence, hors du port. Nous pourrions caréner demain à
l’extrémité de cette île. Une demi-journée pour réparer le mât, et hissez les
voiles hô. À nouveau vers le grand large. Il serait peut-être préférable de ne
pas jeter l’ancre et de s’enfuir vers des eaux plus tranquilles. Mais
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