Shogun
début.
J’aimerais bien savoir ce qui s’est passé quand tu as
rencontré Toranaga, Anjin-san, quelles questions il t’a posées , qu’est-ce
que tu lui as répondu, qu’est-ce que tu lui as dit du village, des armes, de la
cargaison, du bateau, de la galère et de Rodrigu. J’aimerais bien savoir tout
ce que vous vous êtes dit et comment vous l’avez dit, où tu as été et pourquoi
tu es ici. J’aurais ainsi un aperçu de ce que Toranaga a en tête. Je pourrais
alors me faire une idée de ce que je vais lui dire aujourd’hui. Pour l’instant,
je suis perdu.
Pourquoi Toranaga t’a-t-il vu immédiatement, dès notre
arrivée et pas moi ? Pourquoi ne m’a-t-il pas fait parvenir
d’ordres ou de mots depuis que nous avons accosté ? Rien
d’autre que l’aimable et poli : « J’espère vous voir très bientôt, avec plaisir. » Pourquoi m’a-t-il fait appeler
aujourd’hui ? Pourquoi notre rencontre a-t-elle été reportée deux
fois ? Est-ce à cause d’une chose que tu as dite ? À cause de
Hiro-matsu ? Est-ce un retard normal dû à tous les autres problèmes qui
l’accaparent ? Oh ! oui, Toranaga, tu as des problèmes quasiment
insurmontables. L’influence d’Ishido se répand comme le feu. Es-tu déjà au
courant de la trahison d’Onoshi ? Sais-tu qu’Ishido m’a offert la tête et
les terres d’Ikawa Jikkyu si je m’allie secrètement à lui ?
Pourquoi m’as-tu fait appeler aujourd’hui ? Quel bon kami m’a mis précisément sur la route de l’Anjin-san et me permet de lui
sauver la vie ? Simplement pour se gausser de moi parce que je ne peux pas
lui adresser directement la parole et découvrir la clef de ta serrure
secrète ? Pourquoi l’as-tu fait mettre en prison pour le faire
exécuter ? Pourquoi Ishido veut-il le faire sortir de prison ?
Pourquoi les bandits ont-ils essayé de le capturer contre rançon ? Qui
devait verser la rançon ? Pourquoi l’Anjin-san est-il toujours
vivant ? Le bandit aurait dû aisément le couper en deux…
Yabu remarqua les cernes profonds que Blackthorne n’avait
pas la première fois qu’il l’avait vu. Il a l’air de mourir de faim, pensa
Yabu. Il ressemble à un chien sauvage. Mais ce n’est pas un chien de la meute.
C’est le chef de la meute, neh ?
Oh ! oui, pilote. Je donnerais mille koku pour avoir
maintenant un interprète digne de confiance. Je vais être ton maître. Tu vas
construire mes bateaux et entraîner mes hommes. Il faut que
j’arrive à manipuler Toranaga, d’une manière ou d’une autre. Si je ne le peux
pas, ça n’a pas d’importance. Je serai mieux à même de le faire dans ma
prochaine vie.
« Gentil chien ! » dit Yabu à Blackthorne, et
il sourit légèrement. Tu as besoin d’une main ferme, de quelques os et de
quelques bons coups de fouet. Je vais d’abord t’amener à Toranaga.
Après on te fera prendre un bon bain. Tu pues, seigneur pilote. »
Blackthorne ne comprit pas ce que lui disait Yabu, mais il
sentit de l’amitié dans ces mots. Il vit le sourire de Yabu et le lui rendit.
Le daimyô se retourna et regarda dans la direction prise par les
bandits. Il mit ses mains en porte-voix et cria. Tous les Bruns le rejoignirent
aussitôt. Le chef des samouraïs gris se tenait au milieu de l’allée. Lui aussi
rappela les chasseurs. Aucun ne fut capturé. Une discussion éclata entre le
chef des samouraïs Gris et Yabu. Tous deux pointaient du doigt vers la ville et
la forteresse, mais un désaccord profond semblait les diviser. Yabu passa
outre, la main sur l’épée, et fit signe à Blackthorne de monter dans le
palanquin.
« Iyé », dit le capitaine.
Les deux hommes se faisaient face. Les Gris et les Bruns
s’agitaient nerveusement.
« Anjin-san, desu shunjin Toranaga-sama… »
Blackthorne saisit un mot par-ci par-là. Watakushi voulait dire « je », hitachi ajouté au premier mot voulait
dire « nous », shunjin voulait dire « prisonnier ».
Il se souvint alors de ce que Rodrigues lui avait dit. Il secoua la tête et les
interrompit sèchement : Shunjin, iyé ! Watakushi wa Anjin-san ! »
Les deux hommes le regardèrent.
Blackthorne rompit le silence et ajouta dans un japonais
maladroit (il savait qu’il le parlait d’une manière enfantine et sans aucun
respect de la grammaire, mais il espérait quand même se faire
comprendre) : « Je ami. Pas prisonnier. Compris, s’il vous plaît.
Ami, désolé, ami, vouloir bain. Bain, comprendre ?
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