Shogun
horrifiés, le front enfoui
dans l’herbe. Blackthorne était debout à côté d’eux. Le capitaine samouraï, un
homme lourdement bâti , au gros ventre, posta
des sentinelles à chaque bout de l’allée. Les autres ramassèrent les
armes des cadavres. Pendant tout ce temps, ils ne firent pas attention à
Blackthorne. Il tenta de s’en aller à reculons. Immédiatement, un ordre
sifflant du capitaine le cloua au sol.
À un autre signal, les Gris enlevèrent leurs kimonos. Ils
portaient en dessous tout un attirail dépareillé de haillons. Ils mirent les
masques qui pendaient déjà autour de leurs cous. Un homme ramassa les uniformes
gris et disparut dans le sous-bois. Ce doit être des bandits, pensa
Blackthorne, sinon à quo i bon les masques ? Que me
veulent-ils ?
Les bandits discutèrent entre eux. Ils le regardaient tout
en nettoyant leurs épées sur les vêtements des cadavres.
« Anjin-san, hai ? » Les yeux du
capitaine qui apparaissaient au-dessus du masque en tissu étaient ronds et
perçants.
« Hai », répondit Blackthorne qui avait la
chair de poule.
L’homme lui montra le sol et lui fit clairement comprendre qu’il
ne devait pas bouger. « Wakarimasu ka ?
— Hai. »
Ils le dévisagèrent. Puis l’un des guetteurs sortit des buissons, à une centaine de pas de là. Il agita la main et
disparu t à nouveau.
Les hommes firent cercle autour de Blackthorne et s’apprêtèrent
à partir. Le capitaine des bandits posa son regard sur les porteurs qui
tremblaient comme des chiens devant leur maître cruel. Ils enfoncèrent un peu
plus leur tête dans l’herbe.
Le chef des bandits gueula un ordre. Ils levèrent la tête
sans y croire. Il répéta le même ordre. Ils saluèrent, rampèrent et partirent à
reculons, puis prirent leurs jambes à leur cou et disparurent dans les fourrés.
Le bandit sourit avec dédain et fit signe à Blackthorne de se mettre en marche
en direction de la ville. Il partit avec eux. Pas de fuite possible.
Ils étaient presque arrivés à la lisière du bois quand ils
s’arrêtèrent. Des bruits leur parvenaient et un autre convoi de trente
samouraïs apparut au tournant. Ils s’arrêtèrent immédiatement. Les deux groupes
se mirent en position de combat, en se dévisageant hostilement. Soixante-dix
pas les séparaient. Le chef des bandits s’avança ; ses mouvements étaient
saccadés . Il se mit à crier aux autres samouraïs en
montrant Blackthorne du doigt puis en indiquant l’endroit où avait eu lieu
l’embuscade. Il sortit son épée et la brandit bien haut, menaçant. Il exigeait
selon toute évidence que l’autre convoi s’écarte. Tous ses hommes dégainèrent
leurs épées. Sur son ordre, l’un des bandits se mit derrière Blackthorne,
l’épée brandie. Le chef se remit à haranguer ses adversaires. Rien ne se passa
pendant un moment, puis Blackthorne vit descendre l’homme d’un palanquin et le
reconnut immédiatement. C’était Kasigi Yabu. Il répondit quelque chose en
criant au chef des bandits, qui remua son épée furieusement, leur ordonnant de
s’écarter du chemin. Yabu donna un ordre sec et chargea dans un hurlement, en
boitant légèrement. Ses hommes le suivirent. La nouvelle escorte de Gris
n’était pas très loin derrière.
Blackthorne se baissa pour éviter l’épée qui l’aurait coupé
en deux, mais le coup était mal calculé. Le chef des bandits se retourna et
s’enfuit dans le sous-bois, avec ses acolytes.
Les Bruns et les Gris entourèrent très vite Blackthorne qui
se remettait d’aplomb. Quelques samouraïs partirent dans les buissons à la
poursuite des bandits ; d’autres remontèrent l’allée et le reste
s’éparpilla pour couvrir le convoi. Yabu s’arrêta à la lisière des buissons et
donna des ordres, d’une voix impérieuse. Il revint ensuite lentement ; son
boitillement était plus marqué.
« So desu, Anjin-san, dit-il haletant.
— So desu, Kasigi Yabu-san », répondit
Blackthorne, utilisant la même phrase qui signifiait à peu près
« bien » ou « oh, vraiment ? » ou « c’est
vrai ? » Il montra du doigt la direction que les bandits avaient
prise. « Domo. » Il salua poliment, d’égal à égal.
« Vous avez un interprète ? demanda Blackthorne en japonais.
— Iyé , Anjin-san, gomen
nasai . »
Blackthorne se sentait plus à l’aise. Il pouvait communiquer
directement. Son vocabulaire était limité, mais c’était un
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