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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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c’est pas au Sud-Viêtnam, eh ben, comme me le disent les officiers australoches, ça sera dans les rues de Sydney.
    Le chef du bataillon s’est mis à glousser. Il portait des lunettes de soleil vert fumé et il avait peut-être bien les yeux fermés.
    — Les Chinois y connaissent pas grand-chose au combat de rue. Bordel, on pourrait les dégommer comme des mouches. Tout ça, on l’a appris en Europe. Merde alors, t’aurais dû voir un peu St Vith, ça, c’est ce que j’appelle du combat de rue. Bon, attends, je vais t’enlever ces pellicules, t’en as plein le col… Voilà, maintenant, tu ressembles à un soldat, un vrai de vrai, faut juste que tu reboutonnes ta poche.
    Il est retourné s’asseoir. Accroché au mur, derrière lui, il y avait une série de photos, toute la hiérarchie de commandement. Ça commençait par Lyndon Johnson. Earl Wheeler, Stanley Reser, le sixième commandant de l’armée, le commandant de la base et, enfin, la tronche à la bouche pincée, au sourire en lame de rasoir du chef de bataillon.
    — Mais c’est un vieux soldat qui te dit ça. Je suppose qu’il faut d’abord que tu l’aies lu, noir sur blanc, avant de pouvoir en croire tes yeux, parce que c’est la mode, ces temps-ci. Je vais peut-être écrire un livre. Je me rappelle le moment où on a vu que c’était infesté de Niakoués, de l’autre côté de la rivière, là-bas, en Corée. Ça ferait un bon bouquin, ça. Mais le problème, c’est qu’ils veulent de la philosophie mélangée à ce qui s’est vraiment passé. Moi, ce que je voudrais, c’est y aller à fond, raconter exactement ce qui s’est passé, mais je vois déjà les lettres de refus. C’est ça, le problème, si tu veux que ton bouquin soit publié, faut taper sur l’armée. Bon Dieu, moi, je pourrais t’écrire un de ces bouquins…
    — Chef, si je suis là… le Viêtnam, ça me laisse pas tranquille. Je crois que c’est, comment dire, pas une bonne chose. Ça m’inquiète, quand je pense que je vais devoir…
    — Je connais bien ça, soldat, on a tous les foies. Mais une fois que t’es en plein dedans, t’inquiète pas, t’as plus les jetons. Bon Dieu, ça rend même euphorique, des fois. Un homme contre un autre homme, et il y en a qu’un qui va gagner. Et si tu perds, tu perds gros. Mais y a pas un soldat, à moins que ce soit le dernier des menteurs, qu’admettra pas qu’il a les chocottes, par moments. C’est surtout avant de partir à l’attaque, et puis aussi quand tu reviens. En tout cas pour moi, c’était comme ça. Bon Dieu, toute la bande des officiers, on était là à attendre, en train de boire et de déconner, on disait qu’on allait se faire dégommer le cul, mais en fait, on avait les jetons, même les officiers. Tu vois, on est humains.
    Il s’est penché en avant et, pour la première fois, il a esquissé un sourire. Il avait déballé le morceau. J’ai souri et hoché la tête. Il voulait que j’admette qu’il n’avait pas tort. Il venait d’admettre qu’il était un être humain, et c’était pas un truc qu’il faisait avec le premier troufion venu. Notre entretien avait atteint son point culminant.
    — Bon, j’espère que ce que je t’ai raconté, ça va t’aider, soldat. Je devrais vous parler plus souvent, à vous, les gars, mais tu vois bien comment c’est. On pourrait éviter tout un paquet de problèmes et de malentendus. S’il y a d’autres trucs qui tournent pas rond – mauvaise bouffe, courrier en retard –, suffit de me le dire. J’aime bien l’idée que mes gars puissent venir me voir quand ils ont un problème. Rompez.
     
    *
     
    Pendant la Session d’entraînement avancé, on nous donnait des heures de quartier libre, en fin de journée. Il y avait trois coins, sur la base, où l’on pouvait aller traîner. Le premier c’était le ciné. Le film Barella y est passé pendant trois semaines entières. Et puis il y avait la boutique à beignets. Les beignets ne coûtaient pas cher et ils étaient chauds, alors j’y passais pas mal de temps et j’y claquais pas mal de fric. Mais le meilleur coin, c’était la bibliothèque. C’était tout petit, presque toujours vide (bibliothécaire mise à part), et il y avait quelques bons bouquins.
    Je gardais mes projets d’évasion bien pliés dans mon portefeuille. Avec les fouilles qui avaient lieu dans les dortoirs, ils n’étaient pas en sécurité dans les casiers. J’avais trouvé une table isolée, à la

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