Sir Nigel
moment plus tard, Knolles s’avançait vers
lui, les mains tendues.
– Je vous demande pardon, Nigel, dit-il.
Je vous ai parlé un peu chaudement dans ma colère.
– Non, messire, c’était ma faute.
– Mais, si nous nous trouvons maintenant
dans ce château, c’est à vous que nous le devons. Le roi le saura,
de même que Chandos. Est-il autre chose que je puisse faire, Nigel,
pour vous prouver la haute estime dans laquelle je vous
tiens ?
L’écuyer rougit de plaisir.
– Enverriez-vous un messager en
Angleterre, messire, pour y faire part de cette nouvelle ?
– Certainement ! Il me faut le
faire. Mais ne me dites point, Nigel, que vous aimeriez être ce
messager. Demandez-moi une autre faveur car je ne veux point me
séparer de vous.
– Non, Dieu m’en garde ! s’écria
Nigel. Par saint Paul, je ne serais point assez lâche que de
vouloir vous quitter, quand d’autres exploits nous attendent. Mais
je voudrais faire tenir un message par votre messager.
– À qui ?
– À Lady Mary, fille du vieux Sir John
Buttesthorn, qui habite près de Guildford.
– Vous n’aurez qu’à écrire le message,
Nigel. Le salut qu’un chevalier envoie à sa belle doit être
scellé.
– Non, il le peut porter oralement.
– Alors, je vais le lui transmettre car
il partira ce matin. Que dois-je lui dire ?
– Il lui remettra mes très humbles
salutations et il lui dira que, pour la seconde fois, sainte
Catherine a été notre amie.
Chapitre 22 COMMENT ROBERT DE BEAUMANOIR S’EN VINT À PLOËRMEL
Sir Robert Knolles et ses hommes reprirent
leur marche ce jour-là en regardant maintes fois derrière eux pour
contempler les deux sombres colonnes de fumée, l’une épaisse et
l’autre plus fine, qui s’élevaient du château et de la redoute de
la Brohinière. Il n’y avait pas un archer ni un homme d’armes qui
ne portât sur le dos un gros ballot, du butin qu’il avait pris et
Knolles fronçait les sourcils chaque fois qu’il les regardait.
C’est avec plaisir qu’il aurait tout jeté sur le côté de la route,
mais il avait tenté cela une fois déjà dans le temps, et il s’était
rendu compte que c’était aussi dangereux que de vouloir enlever un
os à un ours affamé. D’ailleurs, il n’y avait plus que deux jours
de marche jusqu’à Ploërmel, où il comptait bien mettre un terme à
son voyage.
Cette nuit-là, ils logèrent à Mauron, où une
petite garnison anglo-bretonne occupait le château. Les archers ne
furent que trop heureux de revoir des compatriotes, et ils
passèrent la nuit à boire et à jouer aux dés. Un groupe de jeunes
Bretonnes se mêlèrent à eux, si bien que, le lendemain matin, les
ballots se trouvèrent fort allégés, la plus grosse part du butin de
la Brohinière ayant passé entre les mains des hommes et des femmes
de Mauron. Ce jour-là, leur marche leur fit longer une jolie petite
rivière. Enfin, vers le soir, les tours de Ploërmel pointèrent
devant eux et ils aperçurent, flottant au vent et se détachant sur
un ciel sombre, la croix rouge d’Angleterre. La rivière Duc qui
bordait la route était si bleue et ses rives si vertes qu’ils
auraient juré avoir sous les yeux un paysage de chez eux, d’Oxford
ou des Midlands mais, à mesure que la nuit s’épaississait, ils
entendaient s’élever les hurlements des loups leur rappelant qu’ils
se trouvaient dans un pays ravagé par la guerre. Durant ces
dernières années, les hommes avaient été à ce point occupés à se
faire une chasse mutuelle que le gibier avait augmenté de façon
considérable et que même les rues des villes n’étaient plus à
l’abri des incursion d’animaux sauvages tels que loups et ours.
Il faisait nuit, lorsque la petite armée
franchit la grand-porte du château de Ploërmel et campa dans la
cour de justice. À cette époque, Ploërmel, centre de la puissance
britannique en moyenne Bretagne, était occupée par une garnison de
cinq cents hommes commandés par un vieux soldat : Richard de
Bambro, un rude Northumbrien, formé dans la plus grande école de
guerriers : les luttes de frontière avec les Écossais. Ayant
parcouru les postes de la frontière la plus troublée d’Europe et
servi durant les raids venant de Liddesdale ou de Nithsdale, il
était endurci à vivre sur les champs de bataille.
Depuis quelque temps cependant, Bambro avait
été incapable de se lancer dans aucune entreprise car les renforts
lui avaient fait défaut et, parmi
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