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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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cérémonie frappa d’admiration les personnes qui en furent témoins. On ne pouvait concevoir que dans l’espace d’un mois, 45 000 hommes eussent pu s’habiller, s’armer, s’équiper et acquérir assez d’instruction pour exécuter passablement les différents mouvements de l’exercice et de la marche en colonne. Le Champ de Mars était presque plein de ces soldats-citoyens qui, placés sur plusieurs lignes, présentaient un coup d’œil fait pour inspirer un juste orgueil.
    L’arrivée du « roi des barricades », comme l’appelaient les Parisiens, fut moins annoncée par les salves d’artillerie des Invalides que par les vivats d’enthousiasme de 300 000 personnes, placées sur les talus et les banquettes de ce vaste forum. Cette immense population, avide de voir le souverain qu’elle venait de se donner, se pressait autour de lui, prenait ses mains, et lui prodiguait toutes sortes d’hommages. C’était un père au milieu de ses enfants, un citoyen couronné au milieu de ses égaux. Point de gardes, point de courtisans dorés, mais beaucoup d’officiers de tous les grades qui lui faisaient cortège. Les légions n’étant pas encore toutes réunies, il monta dans les appartements d’honneur du palais, où étaient la reine et sa jeune famille, pour attendre que tout fût prêt. Ensuite, il se rendit à pied sous une immense tente, élevée sur un haut échafaudage, en face du palais de l’École. Des maréchaux de France, des généraux et un nombreux état-major l’accompagnaient. Le général La Fayette, commandant général des gardes nationales de France, souffrant de la goutte, s’appuyait sur bras du duc d’Orléans. Après la distribution des drapeaux et la prestation du serment, le roi monta à cheval, passa devant le front de toutes les légions, et fut se placer ensuite sous le balcon du palais de l’École, pour les voir passer en colonne.
    Les officiers du régiment, comme hôtes de l’École militaire, se trouvèrent au pied du grand escalier pour recevoir la reine, qui arriva par la cour de la caserne, dans une simple voiture de promenade. Des députations de demoiselles lui offrirent des fleurs, après l’avoir complimentée. Elle les embrassa toutes, avec beaucoup d’émotion. Douze demoiselles, qui représentaient les douze arrondissements de Paris, étaient toutes remarquables par leur beauté et leur gracieuse élégance. Je suivis la reine dans les grands appartements, où je restai longtemps pour jouir du magnifique coup d’œil qu’offrait le Champ de Mars dans cet instant de la journée.
    Le 13 septembre, eut lieu la prestation du nouveau serment, juré individuellement par tous les officiers et soldats, en face du drapeau tricolore, dans la cour de la caserne. Le 26, il y eut une revue du roi.
    Le roi, en passant devant le front de chaque régiment, fit prodigieusement de promotions, pour remplir les vacances et attacher l’armée aux nouvelles institutions. On aurait dit un lendemain de Wagram ou de la Moskowa. Mais une grande révolution politique, qui bouleverse toutes les situations acquises, qui a tant de nouvelles exigences à satisfaire, n’est-ce pas aussi une grande bataille donnée, des vainqueurs et des dévoués à récompenser ? C’était 1815 retourné, les mêmes prétentions, les mêmes ridicules, les mêmes apostasies.

LE DUC D’AUMALE A HUIT ANS
     
    Quelques jours plus tard, le 28 septembre, Barrès dîne au Palais Royal.
    Je pris place à la table du roi. Nous y étions soixante. Placé à un bout, à côté de l’aide de camp de service, le maréchal de camp, comte de Rumigny, je pus de ce point remarquer tous les convives, dont je me fis dire les noms par l’aide de camp. La beauté et la régularité du service, la délicatesse des mets, dont beaucoup m’étaient inconnus, le luxe des décorations, et de brillants accessoires qu’on ne peut guère trouver qu’à une table royale, m’instruisirent de la manière la plus intéressante sur les avantages de la richesse et les agréments du grand monde.
    À cette table étaient le roi, Mme Adélaïde et la fille aînée du roi. Le duc d’Orléans et son frère, le duc de Nemours, présidaient une autre table, où tous les jeunes invités prirent place. On prit le café dans les grands salons, où je fus accosté par le duc d’Aumale, enfant de huit ans, qui me charma par son aimable babil et des connaissances qui m’étonnèrent, bien que son rang ne me les fît pas

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