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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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d’Empire. Nos deux compagnies eurent plus de cent hommes tués ou blessés, dont trois officiers de voltigeurs, tués sur la brèche, et deux de grenadiers blessés.
    Pendant le siège, je fus escorter un convoi de poudre pour Astorga. Les dix à douze voitures de paysans, traînées par des bœufs, étaient de celles dont les essieux en bois tournent avec les roues. En route, le feu prend à un de ces essieux ; pas d’eau pour jeter dessus, la position était critique. Je veux faire marcher les voitures qui étaient en avant de celle qui brûlait, et rétrograder celles qui étaient derrière, mais les conducteurs qui ont peur de l’explosion se sauvent, quelques soldats en font autant. Cependant, il m’en reste assez pour faire exécuter ce que j’avais prescrit. Pendant de temps là, quelques hommes lestes étaient descendus dans le vallon, et m’apportèrent de l’eau dans leurs shakos ; cela nous sauva. Le convoi continua sa marche sans autre accident.
    Nous restâmes au pont d’Orbigo jusqu’au 29 avril. Puis vingt jours à Morias, petit village à une demi-lieue d’Astorga, sur la route et à l’entrée des montagnes de la Galice. C’était un très pauvre village où nous fûmes plus que mal.
    Je fus plusieurs fois à Astorga, par désœuvrement et aussi pour dîner chez un restaurateur français. Dans toutes les villes occupées par les Français, il s’établissait, dès le lendemain de leur installation, au moins un restaurateur et cafetier de notre nation. Ils étaient chers, ces empoisonneurs à la suite de l’armée, mais du moins, ils nous rendaient service avec notre argent.
    Le 1 er juin, à Zamora, où je séjournai sept jours, je trouvai plusieurs officiers de ma connaissance et, entre autres, le général Jeannin, qui avait été mon chef de bataillon dans la Garde. Ma visite lui fit plaisir, et il m’engagea à aller manger sa soupe. Le général Jeannin avait épousé une des filles du fameux peintre David.
    Du 7 juillet au 31, je restai à Salamanque. Quelques lieues avant d’y arriver, le bataillon, qui traversait un bois considérable, fur assailli par un troupeau de bœufs sauvages, qui nous mit en déroute. Il fallut tirer des coups de fusil, pour les forcer à rentrer dans le taillis. Il y eut trois ou quatre hommes terrassés et blessés. Quand ce hourra d’un nouveau genre fut passé, on rit beaucoup de cette charge à fond, aussi imprévue qu’impétueuse. Les officiers, une fois le danger connu, avaient rallié une partie de leurs hommes, fait mettre la baïonnette au bout du fusil et marcher contre eux, en leur tirant quelques coups de feu qui les dispersèrent.
    Logé sur la grande place de Salamanque, si belle par son architecture uniforme, ses portiques couverts, ses galeries et ses balcons continus à tous les étages, je fus témoin, de la croisée de mon logement, de plusieurs courses de taureaux qui m’intéressèrent vivement.
    Je montai deux fois la garde chez le prince d’Essling (Masséna), commandant en chef de l’armée du Portugal. Ces deux gardes me mirent en relation d’amitié avec le fils aîné du prince et le fils unique du maréchal de Dantzick (Lefebvre), et avec plusieurs autres officiers de son état-major général.
    Le 3 avril 1810, nous partîmes pour Ciudad-Rodrigo. Le terrain qui sépare Salamanque de Ciudad-Rodrigo est un pays désert, stérile, sans culture et cependant couvert de chênes verts et d’une autre espèce qui produit des glands doux. Ces arbres sont beaux, vigoureux, épais, ce qui prouve que ce n’est pas la faute du sol, mais bien le manque de bras, s’il est pour ainsi dire inhabité.
    Le soir de mon arrivée à Rodrigo, mon sous-lieutenant et moi, nous ne trouvâmes que deux chambres : une occupée par un gendarme et l’autre par un valet du prince d’Essling. Nous dîmes à la maîtresse de la maison que nous prenions une des deux chambres, et que l’autre resterait aux deux individus que je viens de désigner. Brisé de fatigue par la marche, la chaleur et la maladie, je me couchai aussitôt, sans manger, tant le besoin de repos se faisait sentir. Quelques instants après, deux grands coquins de laquais vinrent me chercher querelle, parce que j’avais pris le lit de l’un d’eux. Après leur avoir expliqué les arrangements qui avaient été pris, dans l’intérêt des quatre ayants droit au logement, je les priai de se retirer, mais j’avais à faire à des insolents galonnés, et de bonnes raisons

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