Spartacus
sacrés. En 9 ap. J.-C., le général Varus disparaît avec trois légions dans la forêt germanique de Teutobourg. Outre l’anéantissement de ses précieuses légions, Auguste est affligé par la perte de leurs aigles. Dès le début de son règne, son successeur Tibère s’emploie à les faire récupérer au plus vite par Germanicus. Cet excellent général parvient à remplir sa mission six ans après le désastre. Si l’on tient compte des cinq aigles retrouvées chez les Gaulois, il est probable que Spartacus et ses hommes se sont emparés de plus d’aigles romaines que n’importe quel adversaire de Rome depuis Hannibal. Tant humiliations répétées pèsent lourd dans l’image que les Romains se sont faite de cet adversaire particulier ; Crassus, qui a su effacer la honte, en sort incontestablement grandi. Déjà, le préteur doit s’imaginer sur le char du triomphe en train de gravir la colline du Capitole. Suivi de ses soldats, il présentera au peuple de Rome les emblèmes que d’autres ont perdus mais qu’il a su récupérer. Pour l’heure, il faut encore abattre Spartacus.
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L’affrontement final
L’ultime victoire des esclaves
A présent, Crassus jouit pour la première fois d’une très nette supériorité numérique face à Spartacus. Il a manœuvré avec suffisamment d’habileté pour que le Thrace n’ait pas le temps de venir au secours de ses turbulents alliés. Pour le préteur, qui s’est empressé d’annoncer la nouvelle à Rome, il faut battre le fer tant qu’il est chaud, conclure brillamment et rapidement cette guerre pour éviter que Pompée ne vienne lui ravir une part de gloire. Voyant que la route du nord lui est barrée, Spartacus fait demi-tour et repart en direction du golfe de Tarente ; Plutarque nous donne à ce sujet une importante précision géographique : « Après leur défaite, Spartacus se retira vers les montagnes de Petelia. » Petelia est une ville du Bruttium située sur la côte de la mer Ionienne. Pour ne pas perdre le contact avec un adversaire qui s’enfuit rapidement, Crassus envoie deux de ses lieutenants avec des troupes légères pour suivre et harceler Spartacus, tandis que lui suivra au plus vite avec le gros de l’armée. Toujours selon Plutarque, il s’agit de son questeur Cnaeus Tremellius Scrofa et de son lieutenant Quinctius 98 . A cette époque, la République élit chaque année dix questeurs. Premier échelon du cursus honorum , ce sont de jeunes magistrats d’à peine trente ans qui brûlent de prouver leurs compétences afin d’accéder à de plus hautes fonctions car, essentiellement dédiée aux fonctions financières, la questure n’est pas la magistrature la plus prestigieuse. Ils peuvent cependant être employés, comme ici, dans un cadre militaire qui leur offre beaucoup plus d’occasions de briller. C’est sans doute ce qui va perdre Scrofa et son lieutenant. Encouragés par le récent succès contre les Gaulois, les deux officiers oublient rapidement les ordres et les conseils de prudence. Trop confiants dans leur force, les Romains ne prennent pas les mesures nécessaires à leur protection et leur ennemi s’aperçoit bientôt de leur imprudence. D’après Plutarque, « Spartacus fit volte-face et mit complètement en déroute les Romains [qui] eurent grand-peine à se sauver en emportant le questeur blessé 99 ».
Encore une fois, Spartacus parvient à remporter une victoire sur l’armée romaine. Preuve que l’engagement a été féroce, le chef de ce corps d’armée, dont les effectifs nous sont inconnus, est lui-même blessé. Sans doute doit-il s’enfuir avec ses hommes en abandonnant sur le champ de bataille les enseignes de ses cohortes. Un tel retournement de situation redonne courage aux fugitifs. D’après Plutarque, cette confiance retrouvée est même excessive. « Ce succès perdit Spartacus en emplissant d’orgueil les esclaves fugitifs. Ils ne voulurent plus refuser le combat ni obéir à leurs chefs, et, alors que l’on était déjà en marche, ils les entourèrent en armes et les contraignirent à les ramener en arrière à travers la Lucanie contre les Romains et à joindre en hâte Crassus. » Ce passage démontre bien ce qui semble évident depuis le passage de la « ligne Crassus ». Spartacus ne contrôle plus son armée mais se contente d’une attitude suiviste. Les chefs semblent même devoir faire face à une véritable mutinerie de leurs hommes en armes. Il est très
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