Spartacus
troupes au combat se fait sous une grêle de projectiles et qu’il faut réduire cet instant dangereux en courant. Certes, mais courir sous la pluie n’empêche pas d’être mouillé… Il vaut mieux ouvrir son parapluie. Pour cela, il suffit tout simplement de placer son bouclier sur sa tête pour se prémunir de 95 % des flèches, javelines et balles de fronde. Les Romains n’ont pas le monopole de la tortue. Toutes les armées antiques, y compris les Gaulois, procèdent naturellement à cette manœuvre protectrice tant qu’ils ne sont pas au contact de l’ennemi.
Le choc
Face à eux, contrairement à une autre image d’Epinal, les légionnaires romains ne sont pas serrés les uns contre les autres comme des sardines. Ils ne se cachent pas non plus derrière leur grand scutum en attendant le choc de milliers de Barbares qui arrivent tout nus, sans casque ni bouclier, courant jusqu’à perdre haleine. Entre chaque homme un espace de 40 à 50 centimètres est laissé afin qu’il puisse manœuvrer et utiliser efficacement ses armes ; ces couloirs permettent aussi de laisser passer les unités légères, qui peuvent accabler l’ennemi de traits et de balles de fronde jusqu’au dernier moment. Ces vélites, frondeurs et archers se replient ensuite rapidement lorsque l’infanterie ennemie arrive au contact. Lorsque l’adversaire est tout proche, les légionnaires ont besoin d’espace pour lancer leurs pila . Le pilum , ce lourd javelot ne peut pas être projeté à plus de quelques mètres et seul le premier rang peut effectuer un lancer efficace. Si l’ennemi hésite, les légionnaires du premier rang peuvent renouveler leur salve meurtrière en un instant. Pour cela, chaque légionnaire reçoit le pilum du camarade immédiatement placé derrière lui. A chaque coup, ils transpercent les boucliers des adversaires les plus proches. Une fois le pilum planté, l’adversaire qui a reçu ce trait est pratiquement hors de combat, même s’il n’est pas blessé. En effet, le javelot solidement fiché alourdit son bras gauche et l’empêche de se servir correctement de son bouclier. Face à des légionnaires entraînés, un tel handicap ne pardonne pas, et les premières lignes de Spartacus sont quasiment sacrifiées. A cet instant, le combat au corps à corps s’engage véritablement. Pour cela, chaque légionnaire des premières lignes tire son glaive du fourreau placé au côté droit. Le bouclier fermement tenu par la main gauche, il enchaîne instinctivement les quelques mouvements inlassablement répétés sous les ordres de son instructeur. Lever le bouclier pour parer un coup à la tête, baisser aussitôt le bouclier pour éviter un coup au tibia. Frapper de la pointe du glaive, sentir sa lame pénétrer l’épaule de l’adversaire. Fléchir le genou pour atteindre le mollet de l’ennemi. Le voir s’effondrer en criant de douleur, tenir la ligne. Recommencer. Ne pas s’élancer alors que l’instinct vous y incite, sentir la main du soldat derrière vous qui vous retient. Frapper un nouvel adversaire d’un coup de bouclier. Recommencer.
Ironie de l’histoire, les instructeurs qui ont appris aux soldats de Crassus les passes qui leur sauveront la vie sont certainement d’anciens gladiateurs. Ces doctores ont enseigné aux légionnaires les mêmes coups que leurs adversaires du moment. Pour cela aussi, il faut maintenir un espace entre chaque homme afin qu’il puisse lever son bouclier, frapper du glaive, frapper du bouclier. S’il est blessé, le légionnaire peut laisser sa place au camarade placé derrière lui. Celui-ci occupera son poste en un instant. A l’arrière, les autres hommes de sa rangée avancent d’un pas et maintiennent la cohésion de l’ensemble sans rompre la ligne. Pendant ce temps, le blessé se tourne sur sa droite. Il profite pendant cet instant délicat de la double protection de son bouclier et de celui de son remplaçant. Sans ébranler à aucun moment la cohésion de la centurie, il remonte le couloir ménagé entre chaque rang jusqu’à l’arrière, où des médecins parviennent le plus souvent à juguler son hémorragie et à panser ses blessures. Ces bons soins donnent plus de chances de survie aux légionnaires romains qu’aux soldats de n’importe quelle autre armée. Les faibles pertes annoncées par les généraux de Rome après une victoire ne sont pas le seul produit de la propagande, mais la conséquence d’une solide organisation et
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