Spartacus
banquets, boivent le vin dans les amphores. Des liens de confiance qui se nouent entre maîtres et serviteurs ne sont pas rares. Certains tiennent boutique et partagent les bénéfices avec le maître, se constituant ainsi un confortable pécule. Au bout du compte l’affranchissement constitue l’issue classique d’une relation de confiance entre le maître et ses esclaves domestiques. Fait unique dans les civilisations antiques, le fils de l’esclave affranchi d’un citoyen romain sera Romain à son tour. A partir de Sylla le nombre des affranchissements devient d’ailleurs si important qu’il commence à inquiéter les autorités, qui tentent d’en limiter le nombre. A ce compte, même si l’histoire des gladiateurs fait rêver les fortes têtes et ceux qui subissent le joug des maîtres les plus odieux, il y a trop de risques à tenter quoi que ce soit entre les murs de la cité.
Il n’en va pas de même dans les campagnes. Là le maître n’est parfois même pas connu de ses esclaves. Ils sont quelquefois des centaines dans un vaste domaine à vivre sous la crainte et les coups d’un intendant, souvent lui-même ancien esclave, et de quelques dizaines de gardes-chiourme. Dans ces exploitations agricoles très rentables où la main-d’œuvre est peu coûteuse, le rapport numérique entre hommes libres et esclaves n’est pas le même qu’en ville, tournant nettement à l’avantage de la population servile. Dans les domaines et les ateliers ruraux l’affranchissement est l’exception, alors qu’il est presque la règle en ville. L’espérance de vie y est réduite et les conditions de survie épouvantables. On parle souvent aux esclaves de ces malheureux enchaînés à la pierre noire d’énormes moulins à bras qui broient jour et nuit le blé de Sicile et d’ailleurs. Aveuglés par la poussière, ils tournent sans fin la meule sous les coups de fouet, jusqu’à leur dernier souffle. Pour eux pas de répit. Pas de plaisir, si minime soit-il. Les esclaves de Rome ne sont pas égaux dans la servitude et ceux des champs regardent de plus en plus vers le Vésuve.
L’opulente Campanie
Depuis le sommet, Spartacus et les esclaves rebelles peuvent contempler la beauté et l’abondance de la Campanie. De ce donjon naturel le point de vue est exceptionnel. Cette terre volcanique est la plus riche d’Italie. Aussi loin que porte le regard, le territoire est couvert d’exploitations agricoles. Les villas rurales quadrillent cette terre d’abondance où triment des milliers d’esclaves. Les vignes surtout occupent l’essentiel des propriétés. Elles fournissent alors les meilleurs vins d’Italie. Le falerne, le statane et la galène, sans compter le sorentin qui commence à se poser en rival de ces grands crus, qui peuvent tous se conserver de longues années et se bonifient avec le temps. La plupart de ces vins de qualité sont destinés à être exportés aux quatre coins de la Méditerranée et jusqu’aux confins barbares de la Gaule chevelue. Des grappes généreuses coule un vin sombre qui emplit chaque année des dizaines de milliers d’amphores. De loin en loin, les révoltés peuvent distinguer les fumerolles des fours de potiers où ces vases oblongs sont produits à la chaîne par d’autres esclaves. Parfois, le vert clair des vignes alterne avec les reflets plus sombres des oliviers. Là aussi des captifs travaillent à l’entretien de cette autre production très lucrative. Comme les grappes de raisin, des tonnes d’olives sont broyées à l’automne. Dans d’immenses pressoirs, une huile dorée coule à flots pour remplir d’autres amphores. Celles-ci transporteront à bas prix un produit indispensable à l’alimentation mais aussi à l’éclairage de milliers d’hommes et de femmes bien au-delà des mers. Rien ne pourrait laisser imaginer du haut du Vésuve la somme de souffrances qu’endurent des milliers d’hommes dans ce paysage si doux et si ordonné. Pourtant, entre les vignes et sous les oliviers, des regards envieux se tournent vers les fumées du camp des gladiateurs. Sur les pentes du Vésuve, elles montent vers le ciel, chaque jour plus nombreuses et plus provocantes.
La révolte des esclaves
Partir ou rester ? La question tenaille tous les esclaves. Partir c’est risquer les tortures et la croix ; rester c’est se condamner à demeurer pour toujours un méprisable outil. Les intendants des domaines sont nerveux eux aussi. Ils savent que sur
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