Spartacus
efficaces que les gladiateurs, ils n’en sont pas moins déterminés et gonflés par une même haine. Leur revanche n’est pas celle du guerrier qui retrouve sa dignité, mais celle de l’esclave qui découvre tout à coup un pouvoir inimaginable. A plusieurs ils assomment à coups de bâton des légionnaires qui tentent de fuir. D’autres esclaves s’emparent des pila que les Romains ont disposés sur des râteliers et retournent ces javelots contre leurs anciens propriétaires. Rares sont les soldats qui ont le temps de saisir une arme et un bouclier et qui tentent de résister. Les seuls à pouvoir offrir un semblant de résistance sont les sentinelles qui montent la garde sur la palissade, mais, prises à revers, elles sont vite massacrées. Dans le camp, aucune réaction organisée n’a le temps de se mettre en place. Les officiers eux-mêmes ne comprennent pas ce qui arrive. Seuls peuvent échapper à la mort ceux qui détalent à moitié nus dans les ténèbres. La défaite est sans appel. Plutarque la résume d’une phrase : « Les Romains ne s’étaient aperçus de rien, ils les cernèrent, les épouvantèrent par la soudaineté de leur attaque, les mirent en fuite et prirent leur camp. »
Un coup de tonnerre qui vient du Vésuve
Les gladiateurs comptent sans doute peu de pertes. L’effet de surprise a pleinement joué en leur faveur grâce à une manœuvre brillante. On ne sait pas ce qu’il advient de Claudius Pulcher. Peut-être est-il tué dans son lit. Peut-être parvient-il à s’échapper. Quoi qu’il en soit, son erreur d’appréciation et son échec complet lui sont fatals. Ce désastre lui coûte sinon la vie, du moins sa carrière politique, car on ne retrouve plus sa trace chez aucun auteur après cet épisode. Quel que soit le retentissement qu’ont déjà eu les premiers succès de Spartacus, cette victoire complète remportée sur une armée romaine résonne comme un coup de tonnerre sur toute la Campanie. Comme un orage qui éclate dans un ciel lourd, la bataille du Vésuve déclenche véritablement la révolte des esclaves. Spartacus, qui dispose à présent de 3 000 équipements pris à l’adversaire, peut armer correctement une troupe plus importante. Les ralliements sont toutefois si nombreux que les armes manquent rapidement. D’après Plutarque, « alors ils virent se joindre à eux un grand nombre de pâtres et de bergers du pays, gens combatifs et agiles ; ils armèrent les uns avec une panoplie complète et employèrent les autres comme des éclaireurs et de l’infanterie légère ». Esclaves ou hommes libres, ces bergers sont de bonnes recrues. Menant une existence à demi sauvage et habitués à se battre contre les voleurs de bétail, ils constituent un apport précieux pour Spartacus. Malgré tout, ces quelques milliers d’hommes ne constituent encore aux yeux de Rome qu’une troupe importante de brigands. Une troupe parmi d’autres, car la brutalité du système économique et social imposé par Rome au reste de l’Italie a pour corollaire une insécurité endémique que le mythe de la Pax Romana a tendance à faire oublier.
Que ce soit en Campanie ou dans le reste de l’Empire, les bandes de brigands infestent les territoires contrôlés par Rome. Ces bandes se réfugient dans les massifs montagneux et les forêts, et vivent de rapines à l’encontre des voyageurs et des marchands qui sillonnent en permanence le réseau des voies romaines. Malgré les supplices qui les attendent s’ils sont pris, la dent des fauves ou la menace de la croix n’ont jamais fait diminuer leur nombre. Il est d’ailleurs probable que certaines troupes déjà constituées viennent se joindre, avec armes et bagages, à celle de Spartacus. Déjà organisés et armés, ces hommes qui vivent en dehors de la société saisissent l’occasion de rejoindre la véritable armée que Spartacus est en train de constituer. Ces groupes de quelques dizaines d’individus lui apportent des motivations nouvelles, telles que le pillage systématique et à grande échelle. Enfin, ce ne sont pas seulement des esclaves et des brigands mais aussi des hommes libres qui rejoignent l’armée de Spartacus. Appien apporte cette précision lorsqu’il affirme à son tour que « de nombreux fugitifs et quelques hommes libres des campagnes vinrent se joindre à lui ». Ces hommes libres qui acceptent de côtoyer des esclaves et partager leur opprobre sont certainement les habitants des
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