Spartacus
ont été pieusement recueillies et portées en terre, après avoir relâché les quelques « gladiateurs » survivants, l’armée des esclaves reprend sa marche. Plutarque suggère qu’après la bataille contre les consuls le chef des esclaves « se dirigeait vers les Alpes ». Continuant à longer les Apennins en direction du nord, négligeant l’Etrurie pour traverser l’Ombrie, Spartacus arrive enfin dans les plaines fertiles de la Gaule cisalpine. Précédé par sa réputation, il enregistre à ce moment-là les dizaines de milliers de ralliements évoqués par Appien. Depuis l’Etrurie et le Picenum, à travers l’Ombrie et la Cisalpine, ce sont encore de nouveaux fugitifs, des libres misérables et déclassés, et les victimes de Sylla qui doivent se joindre à la grande armée de Spartacus. Mais aucune cité ne s’ouvre à l’armée des esclaves ; Spartacus devait s’y attendre car, en passant par les Apennins, il a fait délibérément le choix de négliger les régions les plus fortement urbanisées. Pourtant, une quinzaine d’années plus tôt, ces régions se sont révoltées contre Rome. Comme les peuples de l’Apennin central et méridional, les populations du nord de la Péninsule ont également participé à la guerre sociale. Ensemble ils ont constitué une éphémère confédération italienne opposée à Rome. Spartacus espérait-il rallumer ces haines récentes en prenant la route des Apennins pour aller vers le nord ? Depuis le Bruttium jusqu’à l’Ombrie, il a traversé toutes les parties de l’Italie qui s’étaient soulevées. Comme en Lucanie et en Apulie, de plus en plus d’hommes libres misérables se mêlent aux hommes de Spartacus. Pourtant, si les campagnes ont apporté leur contribution à l’armée du Thrace, aucune ville ne s’est ralliée à lui. Appien le souligne : « toutes ses troupes n’étaient point convenablement armées, car nulle cité ne les secondait ». Pour armer ces milliers de nouvelles recrues qui se joignent à lui, il faudrait pouvoir compter sur les arsenaux et sur les forges des cités qui restent toutes obstinément closes. Comme pour les Samnites, la raison de cette hostilité est simple. Quinze ans plus tôt, Rome a eu le bon sens de donner satisfaction à tous ces peuples ; lorsque Spartacus traverse leurs territoires, les citoyens des cités sont en passe de devenir des citoyens romains. Aussi, ce Thrace qui commande à des milliers d’esclaves qui pillent leurs campagnes n’est-il pas le bienvenu. Il n’est pas accueilli comme un libérateur mais bien comme un ennemi public et un adversaire de Rome. Cette fois, la chance commence à abandonner Spartacus. Sa révolte vient à point nommé dans une Italie vide de légions mais survient vingt ans trop tard pour espérer rallier les cités italiennes à sa cause.
Tant pis, il faut continuer vers le nord. Débouchant sur la plaine du Pô, de vastes espaces fertiles s’offrent aux yeux des hommes de Spartacus. De nouvelles cohortes de fugitifs se portent encore à leur rencontre. Ici le ravitaillement est plus facile car les greniers de cette riche province regorgent de blé. Mais les Romains n’entendent pas laisser la seule grande plaine d’Italie entre les mains des esclaves. D’après Plutarque, « Cassius, gouverneur de la Gaule qui avoisine le Pô, marcha contre lui avec dix mille hommes, livra bataille et fut vaincu ; il perdit beaucoup de monde et s’enfuit lui-même à grand-peine ». Il est possible que cet affrontement ait eu lieu près de Modène. Seul Florus donne cette localisation, mais elle est crédible. Débouchant des Apennins, Spartacus arrive sur la via Aemilia. Cet axe lui permet de pénétrer en Gaule cisalpine et de marcher plus vite vers le Pô et les Alpes. Sur la via Aemilia, Mutina (l’actuelle Modène) est à mi-chemin entre le Pô et le Rubicon, petit fleuve célèbre qui marque la limite sud de la province. Il est donc tout à fait possible que G. Cassius ait voulu arrêter Spartacus dans ce secteur, en tentant de protéger le territoire d’une colonie romaine fondée cent dix ans plus tôt. Ce Gaius Cassius Longinus était consul l’année précédente, lorsque la révolte a éclaté ; sans doute a-t-il refusé avec dédain d’écraser dans l’œuf ce début d’agitation. A la fin de sa charge consulaire, il a reçu le gouvernement de l’Italie du Nord en tant que proconsul de Gaule cisalpine ; rattrapé par le destin, c’est là
Weitere Kostenlose Bücher