Spartacus
instruction digne de ce nom aux nouveaux contingents ralliés sans s’arrêter de marcher plusieurs mois. C’est sans doute pour cette raison qu’Appien affirme que Spartacus n’accepte plus personne. Durant cette période, qui doit correspondre à la fin du printemps et à l’été 72, des hommes de toutes origines continuent à affluer en nombre ; faute de ravitaillement et d’armement, il doit inévitablement les renvoyer. Ce détail est intéressant pour tenter de décrypter les motivations de Spartacus. Loin de mener une guerre contre l’esclavage, il semble surtout mener une guerre contre Rome. Non seulement il ne lève pas l’étendard de la libération de tous les esclaves, mais il refuse ceux qu’il ne peut pas utiliser. D’après Appien, un autre point vient troubler l’image d’un Spartacus humaniste. Ce dernier n’hésite pas à égorger ses prisonniers. Après avoir précédemment « immolé », suivant le terme d’Appien, 300 prisonniers romains, Spartacus procède à présent à leur assassinat. Encore une fois, il ne faut pas s’étonner d’actes que nous jugerions barbares mais qui sont classiques dans l’Antiquité. Ces captifs sont une gêne dans le nouveau projet de Spartacus, « prendre avec diligence le chemin de Rome ». Ce brusque revirement étonne. Spartacus a jusque-là fait preuve d’une belle constance pour atteindre les Alpes. Pourquoi changerait-il de cap après sa victoire sur deux consuls et un proconsul ?
La marche sur Rome est sans doute souhaitée par les Italiens les plus hostiles à la cité. Il est impossible de dire si ce revirement est la conséquence de la crue du Pô ou s’il est causé par la volonté des Italiens, devenus majoritaires dans l’armée des esclaves. Cependant, Spartacus, qui a montré beaucoup de prudence jusqu’à présent, est probablement conscient de l’impossibilité de prendre Rome. Il ne dispose d’aucune machine de siège et personne dans ses rangs ne doit savoir comment prendre une ville. C’est une chose de forger un glaive ou de réaliser un bouclier. Mais il faut d’autres compétences pour fabriquer une baliste, un scorpion ou une tour d’assaut. Aussi cet objectif est-il probablement destiné à remotiver la fraction de troupes terriblement déçue par l’échec devant le Pô ou le refus de certains d’aller plus loin. L’annonce de la marche sur Rome permet également d’affoler les Romains tout en leur dissimulant les véritables intentions du Thrace. En tout cas, c’est à ce moment-là que Spartacus doit égorger ses prisonniers, probablement les légionnaires du proconsul Cassius capturés lors de la dernière bataille. Une telle action semble indiquer un mouvement de panique plus qu’une décision raisonnable. Aurait-il eu vent de mouvements de troupes venant d’Espagne et se dirigeant sur lui ? Veut-il véritablement marcher sur Rome ? Cette affirmation est-elle fondée ou correspond-elle à un fantasme des Romains ? La peur ancestrale de voir fondre à nouveau sur leur ville une armée ennemie rend cette option crédible, comme au temps de Brennus ou d’Hannibal. Il est difficile de trancher entre ces hypothèses, mais un détail rend ce choix de Spartacus étrange. Après avoir brûlé ses bagages et tué ses bêtes pour aller plus vite, on pourrait s’attendre à le voir prendre le chemin le plus court. Pour cela, il devrait traverser le nord des Apennins, faire route vers Luna et le littoral de la mer Tyrrhénienne, puis de là suivre la via Aurelia qui longe la côte pour arriver à Rome. Mais Spartacus choisit une autre route.
Demi-tour vers le Picenum
Au lieu de marcher directement sur l’ Urbs , Spartacus s’engage à nouveau sur la via Aemilia. Il marche jusqu’à l’Adriatique et, après avoir franchi le Rubicon, entre dans le Picenum. Cette marche vers la mer Adriatique semble bien confirmer qu’il n’a jamais eu l’intention de prendre Rome et que cette annonce avait surtout pour but de dresser un écran de fumée sur ses véritables intentions. Sans doute affolés par le retour des esclaves vers le sud, les Romains tentent une nouvelle fois de les arrêter. Une bataille se déroule probablement à l’été 72. Aucun auteur ne donne de précisions sur le lieu de cet affrontement, dont on sait seulement qu’il se déroule dans le Picenum. Les deux consuls tentent, sans doute avec le préteur Arrius, de récupérer les débris des armées consulaires dispersées après la
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