Spartacus
Varinius et de Glaber ; de nouveaux étendards ont également été pris aux signiferi des cohortes. Mais, surtout, pour la première fois les esclaves peuvent brandir devant leur chef les aigles capturées : ces emblèmes sacrés, religieusement attribués à chaque légion, sont les insignes les plus précieux de Rome et de son armée. Insulte suprême, les aigles rejoignent ainsi les autres symboles romains du pouvoir que Spartacus aime à exhiber. A nouveau, ses hommes peuvent améliorer leurs équipements, augmenter leurs provisions et disposer d’assez d’armes pour équiper de nouvelles recrues. La route vers le Pô et les Alpes est ouverte. Tous les espoirs sont permis.
Les esclaves ressoudés
Sur le champ de bataille, au milieu des débris des deux armées consulaires, Spartacus peut être salué par ses hommes à nouveau réunis. Un temps remise en question par la scission des Gaulois, l’autorité du chef thrace est à son zénith. Les peuples qui constituent son armée sont persuadés que ce sont les dieux qui donnent la victoire. Devant une nouvelle preuve de leur attachement à Spartacus, ce dernier prend aux yeux de tous les esclaves une dimension sacrée. La prophétie de la femme du Thrace doit être murmurée de bouche à oreille. Pour ces hommes et les quelques femmes qui les suivent, Spartacus est promis à un destin exceptionnel. Crixus avait tort. C’est Spartacus qui avait raison. Il n’y a pas à en douter. Il peut à présent ordonner ce qu’il voudra, plus personne n’osera le contredire. Dans ce contexte, Spartacus pourrait très bien se proclamer roi, mais il manque au chef rebelle un élément important pour aspirer au titre royal : un territoire. Contrairement à Eunus et Tryphon qui ont en leur temps contrôlé une partie de la Sicile, Spartacus est le chef d’un peuple d’errants qui n’est pas encore sorti d’affaire. C’est peut-être pour cette raison qu’il ne veut pas, pas encore du moins, s’embarrasser d’une couronne. Ce moment est crucial dans la construction du mythe de Spartacus. A cet instant, il est pour quelques mois le seul chef de la révolte des esclaves. Il est seul à mener ce groupe disparate, issu d’une multitude d’ethnies, vers un objectif commun. Pour les auteurs modernes, romanciers, politiques ou cinéastes, ce moment contribue donc largement à donner à Spartacus sa figure de guide inspiré. Le cinéma notamment s’appuie sur cette longue marche pour en faire une sorte de nouveau Moïse guidant son peuple vers une hypothétique Terre promise. C’est le cas du Spartacus de Kubrick, qui popularisera cette interprétation de l’histoire. Spartacus acquiert également une autre stature, celle du révolutionnaire. Cette image indissociable de sa légende provient d’une décision inouïe qu’il prend au soir de cette bataille mémorable, pour mieux souder ses troupes.
L’hommage à Crixus
Deux auteurs, Florus et Appien, l’un latin et l’autre grec, donnent une version concordante de cet épisode stupéfiant. Pour honorer ses officiers tombés lors de la bataille, Spartacus décide d’organiser un combat de gladiateurs avec les prisonniers romains. Que disent les textes ? Suivant la version d’Appien, « Spartacus immola aux mânes de Crixus trois cents prisonniers romains ». Florus ne parle pas de Crixus mais rapporte lui aussi que le chef rebelle « célébra les funérailles de ses officiers morts en combattant avec la pompe réservée aux généraux en chef, et fit combattre à mort des prisonniers en armes autour de leur bûcher, comme s’il voulait ainsi effacer l’infamie de son passé en donnant à son tour des jeux de gladiateurs… ». Quant à Salluste, le seul fragment conservé faisant allusion à cet épisode souligne que cela fut fait « pour les couvrir d’opprobre ». Ainsi, 300 prisonniers romains sont contraints de combattre comme gladiateurs. Comment interpréter ce geste fort de Spartacus ? Il faut d’abord souligner le caractère funéraire de ce rituel. Comme le rappelle Florus, les gladiateurs romains combattent autour du bûcher des officiers morts au combat pour honorer leurs mânes. L’allusion que fait Appien aux honneurs rendus à Crixus pose cependant un problème. En effet, d’après ce même auteur, la bataille entre Spartacus et les deux consuls a eu lieu « le long des Apennins vers les Alpes et la Gaule ». Par les Apennins, la distance qui sépare la région de Spolète,
Weitere Kostenlose Bücher