Spartacus
bataille livrée dans les Apennins. Sur cette nouvelle bataille du Picenum, Appien rapporte que « les consuls retournèrent à la charge contre lui dans le pays des Picènes. Une grande bataille y fut donnée ; mais les consuls furent vaincus encore une fois ». Les Romains semblent à nouveau pris de panique et transforment cette nouvelle défaite en débâcle. Salluste évoque même une déroute complète des Romains : ces derniers, « comme il arrive en un pareil désastre, prennent la fuite en diverses directions ; les uns, se fiant à la connaissance des lieux, essayent de se dérober par la fuite ; les autres, se ralliant en petits corps, forcent les passages » ; d’autres, toujours d’après les fragments de Salluste, « se hâtent de se réfugier dans la ville voisine ». A voir ce nouveau succès remporté par les révoltés, on reste stupéfait de la conclusion qu’en tire Appien : « Malgré ce succès, Spartacus renonça à son premier projet de marcher contre Rome, parce qu’il sentit qu’il n’était pas encore assez habile dans le métier de la guerre. » A lire l’historien alexandrin, on se demande ce que les Romains auraient subi si Spartacus avait été un général suffisamment « habile »… De toute évidence, Appien ne constitue pas la meilleure de nos sources. Cet historien grec, qui n’a pas de mots assez durs envers ces esclaves rebelles, écrit longtemps après les faits et reste surtout très approximatif sur la chronologie des événements. Ainsi, c’est après ce dernier épisode qu’il place le séjour des esclaves à Thurium alors que Florus le situe plus logiquement au début de 72, après la prise de Nuceria. De même, la présentation qu’il fait des derniers épisodes de l’histoire de Spartacus est contradictoire par rapport à celles de Salluste et de Plutarque. S’il apporte des précisions parfois très utiles, son récit doit être pris avec prudence car il semble se fonder sur un condensé de sources diverses souvent présentées sous une forme très elliptique et agencées de manière hasardeuse.
Une armée de 100 000 esclaves aux portes de Rome
Quelles que soient les motivations de Spartacus, Rome semble au bord du gouffre. A l’été 72, nul ne peut dire quelles sont les intentions du gladiateur venu de Thrace. D’après les auteurs anciens, d’ailleurs très flous sur cet épisode, Spartacus ne semble pas quitter le Picenum après sa victoire sur les restes de l’armée consulaire. Lui et ses troupes, probablement plus de 100 000 hommes à ce moment, stationnent dans cette province qui n’a pas encore été touchée par les pillages. Strabon nous dit, dans sa Géographie , qu’elle est riche de ses blés et de ses vignobles ; préservée lors de la marche des esclaves vers le nord, elle peut leur fournir de quoi se nourrir et leur permettre de reconstituer leurs réserves. Spartacus profite peut-être également de la position centrale du Picenum en Italie pour mûrir sa décision. Peut-être hésite-t-il encore entre une nouvelle tentative de franchissement du Pô et un retour vers ses bases méridionales. Il se peut également qu’il soit tenté par une traversée de l’Adriatique en direction de l’Illyrie. Il lui faudrait pour cela s’emparer d’un des ports qui jalonnent la côte adriatique du Picenum. Il doit aussi accorder un peu de répit à ses troupes. Après avoir parcouru plus de 2 000 kilomètres en l’espace de quelques mois, remporté trois batailles rangées, vaincu deux consuls et un proconsul, ses hommes ont ramené une moisson de trophées et un butin considérable. Ses guerriers méritent de souffler un peu. Il lui faut également prendre le temps d’intégrer les nouvelles recrues. Les dernières dépouilles prises aux légions vaincues permettent d’en équiper un certain nombre. Pour les autres, il faut encore forger de nouvelles armes, et surtout les entraîner afin que ces glaives deviennent réellement utiles. Aucun auteur ne nous donne de détails sur ce que fait alors Spartacus. La seule certitude que nous ayons demeure la panique qui s’empare de Rome et la crainte des Romains de voir les esclaves faire irruption dans le Latium pour planter leurs étendards devant la ville.
Troisième partie
La chute de Spartacus
Eté 72 – printemps 71
14
Crassus entre en scène
Le spectre d’Hannibal
L’atmosphère qui règne à Rome après l’annonce des défaites du printemps et de
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