Spartacus
campagne, se contentent de surveiller les vallées qui mènent à Rome. Ils savent qu’ils ne pourraient pas faire grand-chose si Spartacus venait à marcher contre eux. Les hommes comme leurs officiers ont hâte de voir arriver les étendards de Crassus. Ce dernier le sait aussi. Il lui faut avant tout prendre Spartacus de vitesse et éviter qu’il ne débouche dans le Latium. D’après Plutarque, Crassus « prit position en avant du Picenum, pour y attendre Spartacus qui se portait de ce côté… ». L’objectif de la nouvelle armée romaine est de traverser les Apennins pour surveiller ensuite la côte adriatique que les rebelles écument depuis le début de l’été. Avant cela, Crassus doit réunir les forces des Romains en faisant sa jonction avec le reste des troupes des consuls ; d’après Appien, celle-ci semble se faire sans difficulté : « A son arrivée au camp de ses prédécesseurs, les deux légions, qui avaient combattu la campagne précédente sous les deux consuls, passèrent sous ses ordres. » Selon Plutarque, Crassus réussit la première partie de son plan en parvenant de l’autre côté des Apennins avant que Spartacus ne marche sur Rome : « Crassus alla camper dans le Picenum, pour y attendre Spartacus qui dirigeait sa marche vers cette contrée. »
A présent que l’armée est réunie, les importantes forces placées sous l’autorité du préteur comprennent de nombreux chariots et bêtes de sommes ; leur marche risque donc d’être lente, ce qui laisserait à Spartacus le temps de les esquiver et de faire mouvement contre le Latium. Pour éviter cela, Crassus prend la décision de ne pas trop s’éloigner. Il reste avec les bagages et charge un de ses lieutenants de repérer Spartacus. Plutarque nous donne quelques précisions sur le plan arrêté par Crassus : « Il envoya son légat Mummius à la tête de deux légions avec ordre de contourner l’ennemi et de le suivre, avec défense de le combattre, ou même d’engager une escarmouche. » Une nouvelle fois un général romain scinde ses forces au risque de faciliter la tâche du Thrace. Pourtant, Crassus est plus prudent que ses prédécesseurs. Il constitue une force légère et rapide, suffisamment importante toutefois pour repérer où se trouve le gros de l’armée ennemie. Une fois Spartacus découvert, Crassus s’efforcera de rejoindre Mummius au plus vite afin de réunir toutes les forces romaines et d’écraser les fugitifs. Cette opération est importante, puisque le préteur confie le tiers de ses troupes à son lieutenant.
L’erreur de Mummius
Mummius est un légat, adjoint militaire du propréteur 84 . Cependant, à Rome les fonctions militaires ne sont pas distinctes des fonctions politiques. Mummius a certainement ses propres projets et ambitions personnels ; plutôt que de suivre les ordres de son chef, il cherche à coup sûr la moindre occasion de se distinguer. Cédant peut-être à une provocation orchestrée par Spartacus, le légat oublie les consignes et tente de l’emporter seul. Avec ses soldats, il se lance à la poursuite du Thrace. Encore une fois, un général romain préfère sa carrière aux intérêts de la République : « Mummius, dès qu’il conçut un espoir de succès, livra bataille à Spartacus… » Le légat de Crassus doit encore être imprégné de préjugés qui l’empêchent d’admettre qu’il a une véritable armée devant lui, mais Spartacus a tôt fait de le ramener à la réalité : « Il fut défait. Beaucoup de ses soldats furent tués, beaucoup aussi, jetant leurs armes, trouvèrent leur salut dans la fuite. » Cette formule lapidaire de Plutarque laisse entrevoir un nouveau désastre pour Rome et une nouvelle victoire, la quatrième de l’année, pour les esclaves. Il est impossible de dire combien de soldats Mummius a perdus à cause de son inconscience et de sa désobéissance. Avec ses deux légions et les contingents alliés placés sous ses ordres, il est possible que Mummius ait disposé alors de 15 000 à 20 000 soldats. Face à lui, Spartacus commande une armée proche des 100 000 hommes. Dans leurs guerres passées, les Romains ont eu l’occasion de l’emporter malgré une telle disproportion d’effectifs, mais ils luttent à présent contre un chef d’exception. Aucun auteur n’en parle, mais il est possible que l’été 72 ait été mis à profit par Spartacus pour arrêter un temps son errance sur les bords de
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