Spartacus
l’Adriatique ; là, il a pu faire forger de nouvelles armes tout en procédant à l’entraînement de ses troupes. Ainsi, face à de jeunes recrues romaines mal commandées par un chef présomptueux et indiscipliné, les esclaves remportent facilement une nouvelle victoire. Une fois encore les Romains ne sont pas écrasés mais goûtent à l’amertume d’une débandade.
Ces débâcles romaines à répétition démontrent plusieurs faits importants. Tout d’abord, les multiples attaques inopportunes lancées par des chefs inconscients du danger semblent révéler une grave carence en matière de renseignement. Il est possible que les Romains ne parviennent pas à infiltrer suffisamment le camp des esclaves pour être informés de leurs effectifs et de leur dispositif, car à chaque fois les généraux de Rome semblent aveugles et sourds. Ensuite, il apparaît clairement que les esclaves tiennent leurs lignes mieux que les Romains. La cohésion des troupes, vertu fondamentale du combat antique, entraîne immanquablement l’effondrement rapide de la ligne romaine. Les poussées de deux lignes adverses dans une bataille fonctionnent un peu comme une mêlée au rugby. Lorsqu’un pack s’impose à son adversaire par sa constance et sa puissance, la mêlée s’effondre, consacrant ainsi la supériorité de l’équipe la plus solide. Dans le cas de la bataille, la ligne la plus faible cède, s’enfuit et répand la panique sur les arrières de l’armée. Si l’ennemi peut alors poursuivre les troupes débandées, les pertes du vaincu deviennent dramatiques. Il ne semble pas que ce soit le cas contre Spartacus, et c’est le troisième fait important. Dans cette histoire, il est souvent question d’armées qui se débandent mais que l’on retrouve par la suite, une fois qu’un chef, comme le préteur Arrius près du mont Gargano, parvient à les réorganiser. La raison en est simple : le chef rebelle ne dispose certainement pas d’une cavalerie digne de ce nom. Certes, nous l’avons vu récupérer des chevaux en Lucanie pour se constituer un corps d’éclaireurs, mais il n’a pas pu réunir une masse de manœuvre montée apte à transformer un avantage en victoire totale. S’il faut quelques semaines pour faire un fantassin digne de ce nom, il faut des mois, voire des années, pour former un cavalier au combat. Les Romains possèdent deux types de cavaliers. Ceux de la légion sont issus des catégories les plus aisées de la société romaine. Ces jeunes gens habitués dès leur enfance à l’équitation peuvent, au sortir de l’adolescence, devenir d’excellents éclaireurs. L’autre source de recrutement se fonde sur les contingents alliés. Enrôlées parmi les peuples soumis à Rome, ces ailes de cavalerie sont beaucoup plus nombreuses que la cavalerie légionnaire. Formées de cavaliers habiles, elles peuvent facilement poursuivre et massacrer un ennemi qui bat en retraite. Dans ce cas, la déroute tourne au massacre. Un légionnaire qui lâche ses armes pour s’enfuir plus vite après avoir rompu le contact avec ses camarades peut facilement distancer les soldats qui le poursuivent. En revanche, le fuyard devient une proie facile s’il est poursuivi par un cavalier. Du haut de sa monture, le cavalier frappe à coup sûr avec son épée longue ou ses javelots.
De toute évidence, Spartacus ne dispose pas de cet atout maître sans lequel aucune victoire n’est définitive. Cette carence est logique. S’il peut s’emparer de nombreuses montures dans les domaines agricoles pillés sur son chemin, il ne dispose pas de suffisamment d’hommes sachant monter pour former une véritable cavalerie. Mis à part quelques anciens guerriers qui ont appris à combattre à cheval au temps de leur liberté, le reste de ses hommes sont de pauvres bougres nés dans la servitude ou la misère. Esclaves ou libres, ils n’ont certainement pas fait d’équitation dans leur enfance. Le fait que Spartacus combatte à cheval tend à confirmer ses origines aristocratiques. Malheureusement pour son armée, de tels hommes sont rares. Aussi, sa solide infanterie parvient souvent à enfoncer l’adversaire mais ce dernier peut à chaque fois s’enfuir rapidement. Sans cavalerie pour les rattraper, les légionnaires trouvent refuge dans les bois et se reforment un peu plus tard avant de rejoindre le gros de leur armée. Sans cavalerie pour tailler en pièces les soldats en déroute, Spartacus pâtit d’une grave
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