Spartacus
bien cette mobilisation des provinces romanisées lorsqu’il affirme qu’à cet instant « toutes les forces de l’Empire se dressèrent contre un mirmillon et Licinius Crassus prit la défense de l’honneur romain ». Les cités qui ne possèdent pas encore le droit romain, tout en étant déjà largement romanisées, ont l’obligation de fournir des contingents pour appuyer les légions. Depuis la fin de la guerre sociale, toutes les cités italiennes au sud du Pô ont reçu la citoyenneté romaine. Ces alliés doivent donc venir de territoires situés au nord du grand fleuve ou au-delà des Alpes, dans cette Gaule méridionale que les Romains appellent alors la Transalpine 83 , voire d’Espagne. Même si les auteurs n’en parlent pas, il est plus que probable que Crassus puisse compter sur un tel appui. Il faut bien constater que les Gaulois du Pô ou les Celtes des bords de la Méditerranée se placent volontiers sous les étendards de Rome quel que soit l’adversaire. Ils acceptent certainement encore plus volontiers de se battre contre des esclaves révoltés qui les menacent eux aussi, et le fait que les fugitifs comptent des Gaulois dans leurs rangs n’a pas d’importance pour eux. La Gaule telle que nous la rêvons depuis le XIX e siècle n’a pas encore été inventée par Jules César… Elle est en réalité constituée de tribus souvent opposées les unes aux autres et qui pratiquent toutes l’esclavage. Profondément romanisés, ces mêmes Gaulois alliés de Rome formeront, douze ans plus tard, les meilleurs contingents de César. Ensemble ils partiront à la conquête de la Gaule du Nord. Pour ces auxiliaires gaulois, les révoltés réunis autour de Spartacus n’ont pas de patrie ni d’identité. Ils constituent seulement un danger pour la stabilité de tous. Ces alliés répondent aussi présents car ils voient dans l’épisode de Spartacus un bon moyen de montrer leur fidélité, espérant obtenir plus de faveurs de la part des Romains. Leur contribution est importante, et prend souvent la forme d’unités de cavalerie entièrement constituées et bien montées, qui jouent un rôle considérable dans l’écrasement final d’une armée en déroute. Pour beaucoup de ces hommes, il s’agit certainement d’un véritable acte de reconnaissance envers cet homme habile. Pour d’autres soldats, l’enrôlement correspond à une prise de conscience tardive de la réalité du danger représenté par les esclaves révoltés.
Enfin, il n’est pas invraisemblable que Crassus ait aussi utilisé son immense fortune pour constituer son armée. Depuis Marius, l’armée romaine est de plus en plus professionnelle et constituée de prolétaires. Crassus a peut-être puisé dans ses coffres pour motiver quelques réengagements car s’il est âpre au gain, il sait aussi investir.
Selon Appien, Crassus « marche contre Spartacus à la tête de six nouvelles légions », soit 30 000 hommes. Parmi eux beaucoup de jeunes gens ont répondu à l’appel des magistrats de Rome, le dilectus. Ordinairement, cette levée est organisée en mars, mais l’urgence de la situation a probablement entraîné un bouleversement du calendrier. Crassus, revêtu de pouvoirs exceptionnels pour un préteur, a sans doute dû procéder à une levée durant l’été 72. Aux côtés de ces citoyens romains, il peut compter sur un contingent allié équivalent, soit environ 60 000 hommes au total. On ne sait pas précisément à quelle date Crassus quitte Rome. Même si les auteurs laissent entendre que les choses ont été rondement menées, il a fallu du temps pour lever ces troupes, les équiper et concentrer les contingents alliés autour de Rome. Il semble donc difficile que Crassus ait pu faire mouvement avant le début de l’automne. A présent Spartacus doit affronter une armée nombreuse, bien encadrée et commandée par un général déterminé.
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Crassus versus Spartacus
Crassus le prudent
Pour la première fois, un général romain semble prendre toute la mesure du danger militaire que représente Spartacus. Avec beaucoup de circonspection, Crassus ménage ses forces avant de les engager. Il sait que ses légionnaires ne sont pas beaucoup mieux préparés que ceux des armées consulaires qui ont quitté la ville au début du printemps. Ce qui reste des légions de Gellius et de Lentulus attend avec impatience ses renforts. Pour l’heure, ces soldats, déjà vaincus par deux fois en une seule
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