Spartacus
porte ainsi des coups aux groupes d’esclaves isolés et à leurs éclaireurs. Les fourrageurs et les ravitailleurs des deux camps doivent probablement s’affronter lors d’escarmouches, mais celles-ci ne font qu’égratigner les effectifs des deux armées. Encore une fois, Spartacus doit manquer de cavaliers. Dans les combats entre deux troupes qui s’observent, la cavalerie constitue une arme indispensable et les esclaves ne peuvent presque rien faire contre un adversaire monté supérieur en nombre. De plus, chaque cavalier perdu par Spartacus dans ces escarmouches constitue pour lui une perte difficilement réparable.
Spartacus retourne vers le sud
Spartacus prend conscience que la situation est bloquée et que le temps travaille décidément pour les Romains. Crassus n’accepte pas la bataille, et lui s’éloigne des axes de passage qui mènent à Rome à travers les monts des Sabins. Tous les mouvements de l’armée des esclaves sont observés avec vigilance et aucun effet de surprise ne peut être espéré ; Rome ne sera donc pas prise, mais il n’est pas sûr que Spartacus ait jamais envisagé sérieusement ce scénario. De toute façon, ce n’est pas cela qui l’inquiète le plus. Chaque mois amène des nouvelles de victoires romaines depuis l’Orient ou l’Espagne. S’il demeure dans le Picenum, il risque tôt ou tard de se retrouver pris entre l’armée de Crassus et une autre armée romaine revenue en Italie ; celle de Lucullus peut surgir dans le sud par le port de Brindisium, et celle de Pompée par le nord depuis les Alpes. Pendant les quelques semaines passées dans le Picenum, Spartacus a eu le temps d’absorber, d’équiper et d’entraîner ses nouvelles recrues. Après avoir reconstitué des réserves et réuni des animaux de bât, il est temps de reprendre la route. Il pourrait remonter vers le nord pour tenter à nouveau un passage du Pô et une traversée des Alpes, mais il ne s’arrête pas à cette solution : nous sommes probablement au mois de novembre 72 et la saison est déjà trop avancée. Peut-être sait-il déjà que Pompée est venu à bout de Sertorius en Espagne. En montant vers le nord, il irait se jeter contre des légions aguerries et victorieuses commandées par le meilleur général du moment. Ces deux raisons dictent sans doute la conduite de Spartacus, qui adopte un autre plan. Plutarque laisse entendre que, face à la détermination et à l’efficacité de Crassus, le chef rebelle reprend le chemin de la Lucanie, qu’il veut traverser pour arriver à la mer. A ce moment-là, les esclaves sont peut-être 100 000. Cette armée fait d’abord mouvement vers le pays des Samnites. Ils traversent ensuite à nouveau la Campanie, qui doit connaître un moment d’effroi. Mais Spartacus ne s’arrête pas et poursuit son chemin. Il veut rallier les montagnes de Lucanie avant l’hiver. Dans ce pays où les populations rustiques se sont jointes à son armée l’année précédente, il peut jouir d’un nouveau répit. Sans doute méfiant au début, Crassus comprend rapidement, d’après le rapport de ses éclaireurs, que les esclaves ont bel et bien abandonné le Picenum. Si l’on en croit le témoignage d’Appien, le préteur semble vouloir profiter de l’électrochoc que la décimation a suscité pour mener son armée au combat là où il est sûr d’avoir le dessus. Dans un premier temps, il bouscule un corps de 10 000 esclaves qui couvre probablement la marche du gros de l’armée de Spartacus. Crassus, ayant tué les deux tiers de ses adversaires, s’enhardit jusqu’à attaquer le chef des esclaves lui-même : « Pendant que Spartacus s’efforçait de se faire jour pour gagner le pays des Samnites, Crassus lui tua encore six mille hommes environ dans la matinée, et le même nombre le soir, sans avoir plus de trois Romains tués et sept blessés ; tant l’exemple de ceux qui avaient été décimés inspira la fureur de vaincre. » A présent, Crassus tient ses hommes d’une main de fer et les conduit au succès contre Spartacus. Dans le même temps, le chef rebelle semble perdre l’initiative en subissant les coups de son adversaire. La première partie de la mission de Crassus est accomplie. Rome n’est plus directement sous la menace des esclaves et son armée est entre de bonnes mains. La ville peut alors se rassurer et remercier les dieux de lui avoir envoyé un nouveau Cunctator .
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L’illusion sicilienne
Le projet
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