Staline
femmes, du travail féminin, du rôle
très important des femmes, des ouvrières et des paysannes dans la vie
économique, sociale et politique de la société et, l’élevant à la hauteur
requise, lui fournit la solution juste [646] ».
Cela explique sans doute aussi pourquoi le pourcentage des femmes au Goulag
passe de 4,6 % en 1935 à 25 % en 1944.
Staline craint que le mécontentement d’ouvriers issus de la
campagne ne se conjugue à celui de la paysannerie et aux revendications
nationales, aiguës dans un pays aux cent et quelques nationalités. Il veut donc
liquider préventivement tous les abcès de fixation possibles. Dès janvier 1928,
il fait arrêter et fusiller, par décision du collège du Guépéou, tout le
gouvernement, en majorité tatar, de la République autonome de Crimée. En 1930,
il épure les directions des partis communistes de nombreuses Républiques, et d’abord
de Biélorussie et d’Ukraine. En Biélorussie, le Guépéou invente une mythique
Union de la libération de la Biélorussie, accusée de vouloir renverser le
pouvoir soviétique pour installer une république bourgeoise. Elle sera « démasquée »
en octobre 1930, juste au moment où la collectivisation redémarre. En novembre 1930,
l’écrivain Ianka Koupala, dénoncé pour nationalisme biélorusse, veut mettre fin
à ses jours en se poignardant. L’homme de main de Staline dans la République,
Guei, membre du Bureau politique du PC de Biélorussie, dénonce ce suicide
manqué comme une manifestation anticommuniste. Staline reprendra cette
définition du suicide. Homme de main de Staline, ancien responsable du service
de répartition des cadres du Secrétariat du Comité central, ce Guei mène la
purge au pas de charge. Le 15 décembre 1930, le Guépéou arrête les
commissaires à l’Agriculture et à l’Instruction, ainsi que le président d’un
trust industriel, tous trois condamnés à dix ans de camp, puis, le 18 mars 1931,
quatre-vingt-six responsables et militants du PC biélorusse aussitôt condamnés
à la prison ou à l’exil. Staline n’organise pas de procès public, faute d’avoir
réussi à arracher les aveux adéquats des victimes.
L’épuration de l’Ukraine, de son parti communiste et de son
intelligentsia, accusés de nationalisme bourgeois ukrainien, est plus brutale
encore. Elle culminera en 1933 avec le suicide du Premier secrétaire du PC
ukrainien, pourtant vieux partisan de Staline, Skrypnyk, et de l’écrivain
communiste ukrainien le plus célèbre, Khvyloviy.
Staline prépare la couverture idéologique de cette chasse au
nationalisme, dit bourgeois ou petit-bourgeois, en « théorisant » le
passage de l’internationalisme de 1917 au nationalisme russe. En décembre 1930,
une décision secrète du Comité central blâme le poète de cour Demian Biedny. Ce
dernier, mécontent, écrit à Staline qui lui répond le 12 décembre par une
lettre qui ne sera publiée qu’en 1953, mais qui circule aussitôt écrite dans un
cercle étroit de dignitaires. Il y reproche à Demian Biedny de donner une image
négative de la Russie éternelle, d’ignorer que les « dirigeants des
ouvriers révolutionnaires de tous les pays étudient avidement l’histoire très
instructive de la classe ouvrière de Russie, son passé, le passé de la Russie… »,
de « calomnier notre peuple », de « découronner le prolétariat
russe [647] ».
Le tournant patriotique, ici discrètement annoncé, va, au fil des ans, se
colorer de l’antisémitisme traditionnel du nationalisme russe. Aussi, deux ans
plus tard, en décembre 1932, Staline recevra avec un vif mécontentement
une lettre de la sœur cadette de Lénine, Anna Oulianova, qui a découvert que
leur grand-père maternel descendait d’une famille juive pauvre… Ce fait,
dit-elle, « peut rendre un grand service dans la lutte contre l’antisémitisme ».
Elle ajoute que « Lénine a toujours mis les juifs très haut ».
Staline lui ordonne sèchement de « garder un silence absolu sur la lettre [648] » !
À la fin de janvier 1931, le Guépéou arrête une dizaine
d’historiens parmi lesquels Platonov et Eugène Tarlé. Spécialiste de la
révolution de 1789 et de l’époque napoléonienne, Tarlé, Cadet de conviction,
resté en Russie, avait été élu en 1927 membre de l’Académie des sciences.
Celle-ci est brutalement invitée à le chasser de ses rangs, et à faire de même
avec Platonov, pour participation à
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