Staline
promeut à ses côtés son ami Lavrenti
Beria, qui a été vice-président du Guépéou d’Azerbaïdjan, puis président du
Guépéou de Géorgie et de Transcausasie, avant d’être nommé par Staline, en
1931, Premier secrétaire du PC de Géorgie, puis, en 1932, Premier secrétaire du
comité du Parti de Transcaucasie et du comité de Tiflis. Ainsi, deux hommes de
la police politique accèdent à la direction du Parti. Lors de la réunion
organisée par Staline pour décider de la promotion politique de Beria, deux des
dirigeants en place auraient pris leurs distances ; l’un aurait joué l’étonnement :
« Qu’est-ce que tu as dit, Koba, est-ce que j’aurais mal entendu ? »
pendant que l’autre aurait grogné : « Jamais je ne travaillerai avec
ce charlatan [720] . »
L’ascension politique de ces deux policiers annonce que
Staline se prépare à utiliser l’appareil du Guépéou contre celui du Parti. Dans
le même esprit, il promeut un inconnu, Nicolas Iejov, individu discret, sans
passé révolutionnaire, qui a depuis 1922 dirigé toute une panoplie de comités
provinciaux du Parti, où il s’est toujours empressé d’appliquer les directives
du sommet. À partir de 1930, il a dirigé le secteur de répartition, puis la
section des cadres, et enfin la section industrielle du Comité central. Dans ce
bureaucrate fade et incolore, plutôt aimable, Staline a deviné le bourreau.
En 1933, le Guépéou déporte 270 000 individus.
Staline modère alors un instant la répression. Une instruction confidentielle
du 8 mai 1933, adressée aux cadres du Parti, des soviets, du Guépéou,
du commissariat à la Justice, signée Staline et Molotov, met un frein à la « saturnale
des arrestations » qui « se font par n’importe qui en a envie, par
des gens qui, à strictement parler, n’ont pas le droit de procéder à des
arrestations [sans préciser qui sont ces étranges particuliers responsables des
débordements de la répression]. Il n’est pas étonnant que [dans ce contexte],
les organes habilités à procéder à des arrestations, y compris ceux du Guépéou
et de la milice, perdent tout sentiment de modération ». Les coupables
sont encore les échelons inférieurs de l’appareil qui déforment, exagèrent,
caricaturent la politique des dirigeants et poussent le Guépéou et la milice à
se livrer avec eux à une concurrence sauvage et inutile, car « trois
années de lutte ont mené à la destruction des forces de nos ennemis de classe à
la campagne [721] ».
Au Comité central de mars 1937, Iejov donnera une autre
explication de cette décision : les arrestations massives, dira-t-il, ne
permettaient pas de frapper les véritables ennemis. Staline veut mettre fin aux
initiatives incontrôlées des apparatchiks locaux, qui ne frappent pas toujours
les éléments que Staline veut liquider. Pour réduire leur zèle, Staline et
Molotov fixent des quotas d’arrestations par République, limitent à 12 000
par an les déportations individuelles de « contre-révolutionnaires actifs »,
fixent à 400 000 le nombre maximal d’emprisonnés, et mettent en place des
commissions de « désengorgement » des cellules nauséabondes où les
détenus sont entassés comme des déchets. Dans ce domaine, la planification
centralisée fait merveille. En juillet 1934, Krylenko annoncera
triomphalement le succès du plan : 397 284 personnes seulement
restent incarcérées !
L’année 1933 semble d’ailleurs annoncer un
adoucissement de la chasse aux anciens opposants : le 8 mai,
Zinoviev, dans une lettre au Comité central et une autre à Staline, reconnaît
ses fautes et la justesse de la sanction qui l’a frappé. Le 19, Staline fait
adresser copies des deux lettres, accompagnées d’une note dictée par lui en son
nom et en celui de Vorochilov, Molotov, Kalinine et Kaganovitch, aux autres
membres du Bureau politique et de la commission de Contrôle, proposant de faire
venir sans délai Zinoviev à Moscou pour discuter avec lui de son retour dans l’appareil.
Il fait publier l’épître au Comité central dans la Pravda du lendemain.
Kamenev revient lui aussi à Moscou. Les deux hommes seront réintégrés dans le
Parti à la fin de l’année. Le message semble clair : aux repentis, le
chemin du purgatoire est ouvert. Pas pour longtemps, car Staline doute de la
sincérité de leur repentir.
Ce retour de quelques anciennes figures de l’Opposition
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