Staline
effet ?
La guerre, qui a porté les partis communistes au pouvoir
dans une demi-douzaine de pays, confronte Staline à la nécessité de réorganiser
le mouvement communiste international. Les rapports bilatéraux soumettent les
partis communistes directement au Kremlin, mais rendent l’ensemble du mouvement
difficile à gérer. La section de politique extérieure du Comité central du
parti russe, créée en décembre 1945 en transformant l’ancienne section d’information
internationale et initialement dirigée par Dimitrov, est refondue en avril 1946.
Contrôlant de très près l’activité des partis communistes étrangers et des
fonctionnaires soviétiques travaillant à l’étranger, elle mêle étroitement
contrôle politique, surveillance policière et activités de renseignements et d’espionnage.
Mais ce dispositif est insuffisant. En juin 1946, lors d’un dîner à sa
datcha entre dirigeants soviétiques, yougoslaves et bulgares, Staline avance l’idée
d’un organe européen d’information qui se réunirait régulièrement pour échanger
opinions et propositions. À qui reviendrait l’initiative ? Dimitrov, Tito,
le PC français ? Chacun, peu enthousiaste, propose le voisin…
Le 25 mai 1946, Staline a aboli la peine de mort,
remplacée comme peine maximale par 25 ans de prison. Il s’agit d’un geste
de propagande internationale, au moment même où Staline se prépare à opérer une
ponction brutale sur la population. En mai 1946, il décrète un emprunt
volontaire obligatoire de 20 milliards de roubles, dont 12,5 milliards
pèseront sur la population des villes, le reste sur les paysans. Dans les
usines, les secrétaires du Parti ou du syndicat convoquent un par un les
travailleurs « pour un entretien » : à la sortie, le malheureux
a signé un prélèvement d’une, deux ou trois semaines sur son salaire, voire d’un
mois. Certains parviennent à extorquer jusqu’à deux mois de salaire ! Il
est plus difficile de faire payer les paysans, dont les roubles, provenant du
commerce libre pendant la guerre, sont soigneusement dissimulés. Les paysans
français dissimulent leurs billets provenant du marché noir dans des
lessiveuses, les paysans soviétiques, plus modestes, les cachent dans des trous
creusés dans le sol.
Pour assurer son pouvoir absolu, Staline multiplie les jeux
de bascule destinés à dresser ses lieutenants les uns contre les autres. Ces
jeux garantissent sans doute sa propre sécurité politique, mais affaiblissent
un appareil pourtant hypertrophié. Le Bureau politique du 13 avril 1946
nomme un nouveau venu, le Léningradois Kouznetsov, à la tête de la Direction
des cadres du Comité central et à la présidence des séances du Secrétariat. Il
se voit confier la tutelle des cadres des divers ministères, dont ceux de l’Intérieur
et de la Sécurité d’État, où pullulent les créatures de Beria. Cette responsabilité
nouvelle est grosse de tensions et de conflits entre les intéressés. Le 4 mai 1946,
sur rapport de Staline, le Bureau politique exclut Malenkov du Secrétariat du
Comité central et remplace, à la tête de la Sécurité d’État, Merkoulov, un
homme de Beria, par Victor Abakoumov, ancien chef du SMERCH, service chargé de
la chasse aux « espions » pendant la guerre. Staline dresse ce jeune
policier gominé et parfumé encore plus inculte et aussi brutal que lui contre
Beria. Khrouchtchev affirmera qu’Abakoumov n’était qu’un pantin manipulé par ce
dernier, parce que Staline les fera fusiller tous deux. Mais l’adjoint de
Beria, Merkoulov, attestera que son patron avait une peur bleue de ce bellâtre
satisfait [1322] .
Pendant les deux années qui suivent, Staline dépouille peu à peu le NKVD
(rebaptisé MVD en mars 1946) au profit de la Sécurité d’État : en janvier 1946,
déjà, il a transféré de l’Intérieur à la Sécurité le secteur « S »,
chargé des attentats et du sabotage, dirigé par Soudoplatov et Eitingon, les
organisateurs de l’assassinat de Trotsky. En janvier 1947, il transfère
les troupes spéciales et la direction des transports du ministère de l’Intérieur
(MVD) à la Sécurité, ainsi que les services de liaison du gouvernement. En octobre 1949,
il transfère encore du MVD à la Sécurité les troupes de gardes-frontières et,
plus étonnant, la milice, c’est-à-dire la police. L’année suivante, le
balancier se meut en sens inverse.
Après les généraux,
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