Staline
pays, fait savoir le vif intérêt qu’elle
porte au plan Marshall…
À la veille de la promulgation du plan, le président Harry
Truman affirme la volonté des États-Unis de liquider les contrôles des
gouvernements nationaux sur le commerce. Le 6 mars 1947, il déclare
en effet : « Le système commercial le moins favorable à la liberté d’entreprise
est celui dans lequel ce sont les gouvernements qui décident. » Et il
annonce la création prochaine de l’Organisation mondiale du commerce, qui « limitera
l’actuelle liberté des gouvernements d’imposer à leur commerce international
des réglementations administratives détaillées ». L’objectif affirmé est « de
limiter ces contrôles à des cas exceptionnels dans l’avenir immédiat et d’y
renoncer entièrement aussitôt que cela sera possible [1359] », en un
mot, d’ouvrir toutes les frontières au capital industriel et financier américain.
Les États-Unis, sortis de la guerre comme première puissance économique
mondiale, veulent ainsi imposer leur domination commerciale à l’univers. La
liquidation des règlements et contrôles gouvernementaux signifie la remise en
cause de la souveraineté des États, de leurs gouvernements et des nations, pour
imposer au monde la loi de l’économie américaine. Le monopole du commerce
extérieur de l’URSS et des pays entraînés dans son orbite est visé au premier
chef.
Six jours après, le 12 mars, Truman annonce au Congrès
américain que les États-Unis prendront, à compter du 31 mars, le relais de
la Grande-Bretagne pour soutenir le gouvernement grec face aux « activités
terroristes de quelques milliers d’hommes armés, dirigés par les communistes »,
et dans sa volonté d’aider la Turquie. Ce soutien, qui transformera la Turquie
en forteresse armée des États-Unis, reflète, dit-il, le choix pour chaque
nation « entre deux façons de vivre » : l’une démocratique, l’autre
« basée sur la volonté d’une minorité imposée par la force à la majorité,
qui s’appuie sur la terreur et l’oppression, le contrôle de la presse et de la
radio, des élections truquées et la suppression des libertés individuelles [1360] ».
À la fin de juillet 1947, Dimitrov rencontre Tito à
Bled. Le 5 juillet, Staline a donné l’ordre à Dimitrov d’attendre la
ratification du traité de paix entre les Alliés et la Bulgarie, signé en
février mais pas encore ratifié, pour annoncer une initiative commune entre les
deux pays. Malgré cette injonction, les deux hommes signent, le 1 er août,
un accord de coopération et d’entraide annonçant l’instauration d’une douane
unique, d’une étroite collaboration économique et la décision d’aider les
insurgés grecs. Staline, dans un télégramme du 12 août à Tito et Dimitrov,
juge cet accord « hâtif » et condamne la décision d’aide aux insurgés
qui, dit-il, contribuera au « renforcement de l’ingérence militaire dans
les affaires grecques et turques contre la Bulgarie et la Yougoslavie [1361] ». Il voit
dans cet accord la première esquisse d’une fédération balkanique, susceptible d’acquérir
une certaine indépendance vis-à-vis de Moscou. Dimitrov et Tito reconnaissent
leur erreur à contrecœur. Mais cette crainte hâte la convocation, en septembre 1947
en Pologne, à Skliarska-Poremba exactement, de la réunion constitutive du
Cominform (ou bureau d’information des partis communistes européens), destiné à
légitimer publiquement les décisions de Moscou. Staline en écarte la majorité
des partis communistes européens : il n’a invité ni le parti grec en
pleine insurrection, ni le parti albanais. Ce n’est donc pas même un fantôme de
Comintern. L’accord est loin d’être total, d’ailleurs, sur la proclamation d’un
tel organisme. Gomulka exprime ses réticences, en souhaitant que Varsovie ne
soit pas le siège d’une institution aux relents de Comintern qui gênerait la
fusion préparée avec le Parti socialiste polonais ; la publication d’une
revue lui paraît bien suffisante.
Le 17 septembre, Tito demande l’ordre du jour de la
réunion. Staline signe une réponse évasive préparée par Jdanov, affirmant que c’est
à la réunion elle-même de « définir les questions qui devront être portées
à son ordre du jour. À chaque délégation de suggérer les questions sur
lesquelles elle souhaite voir s’instaurer "un échange d’opinions" [1362]
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