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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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généralisée que le
vieillissement accéléré a radicalisée. Ainsi, lorsqu’il quitte le Kremlin pour
aller rejoindre sa villa en compagnie de ses lieutenants, Staline dicte au
chauffeur un itinéraire compliqué, qu’il s’applique chaque soir à varier pour
tromper d’imaginaires ennemis embusqués. Khrouchtchev, installé dans la seconde
voiture, s’étonne de ces fantaisies auprès de Beria et de Malenkov, en général
installés d’habitude dans la voiture du Guide, et leur demande un jour ce qu’ils
ont à zigzaguer par les ruelles. Les deux hommes se défendent : « Ce
n’est pas nous qui définissons l’itinéraire. C’est Staline lui-même qui désigne
les rues [1425] . »
C’est à cette époque qu’il fait construire une seconde palissade à sa
villa : des chiens de garde arpentent l’espace entre la première et la
seconde. En même temps, note Khrouchtchev, « la solitude lui pesait ;
il ne supportait pas de rester seul, il avait besoin des gens ». À peine
levé, il appelle un membre du Bureau politique pour parler de n’importe quoi et
cherche tous les prétextes pour faire durer la discussion, même si elle porte
sur un problème que « l’on aurait pu régler en deux minutes [1426]  », note
Khrouchtchev, qui ajoute plus loin, en évoquant sa disparition : « Depuis
longtemps, la mort le suivait comme une ombre » de plus en plus
envahissante qui s’étend sur son entourage : « Nous tous, autour de
Staline, nous étions des condamnés en sursis [1427]  », note
encore Khrouchtchev. Autrement dit, plus il fait le vide autour de lui, plus il
souffre. Mais rien ne l’arrête.
    À compter de cette époque, souligne sa fille, « il
était aigri contre le monde entier, n’avait plus confiance en personne ».
Il réagit même à quelques remarques critiques bénignes qu’elle s’autorise en
lui reprochant de tenir, elle aussi, « des propos antisoviétiques ».
Jugeant désormais impossible de lui dire quoi que ce soit, elle l’évite ;
de son côté, il ne cherche plus à la rencontrer. Elle ne le voit plus dès lors
que deux, trois ou quatre fois par an et, ajoute-t-elle, « chaque fois que
j’allais chez lui, j’avais envie de me sauver [1428]  », tant l’atmosphère
était irrespirable. Le Kremlin, où il ne se rend plus, l’est tout autant et, en
1952, elle le quitte. Il ne fait plus illusion sur grand monde. Rakosi, qui le
voit chaque année, affirme pourtant qu’en 1950, « Staline avait encore l’esprit
assez vif [1429]  ».
Mais le fidèle Molotov lui-même fait un constat presque unanimement
partagé : « Dans les dernières années, Staline a commencé à baisser […]
chez Staline, la sclérose se voyait beaucoup ; en outre, il devenait très
nerveux et soupçonnait tout le monde. Sa dernière période, selon moi, a été
très dangereuse. Il tombait dans certains excès [1430] . » Pour le
moins. La mémoire et la lucidité, de plus en plus intermittentes, baissent
inéluctablement. Un jour de 1949, il convoque dans son bureau du Kremlin
plusieurs de ses collaborateurs et leur déclare : « La Pravda célèbre sans retenue le culte de la personnalité. Il faut changer le comité de
rédaction ! » L’assistance, muette, attend. Qui oserait confirmer l’existence
de ce culte ? Staline déambule d’un pas lent et lourd en égrenant les noms
des « nouveaux promus » au comité de rédaction de la Pravda, dont certains ont été fusillés depuis longtemps. Il arrive ainsi à Staline
vieillissant de mélanger le présent et un passé qui le hante et d’évoquer
Zinoviev ou Boukharine comme s’ils étaient encore en vie. Pétrifiées, les
personnes présentes ne soufflent mot. Par chance, le rédacteur en chef désigné,
Mikhail Souslov, est vivant…
    Cette sclérose se marque aussi dans l’attention croissante
qu’il accorde à des détails, destinée à suggérer son souci des problèmes quotidiens
des gens. Ainsi, le 1 er  mai 1949, recevant à sa datcha un
groupe de cadres du Parti, dont le premier secrétaire du PC de Moscou, Popov,
il porte, à la fin du repas, un toast à ce dernier, puis lui demande s’il est
vrai que les toilettes publiques ont disparu à Moscou. Si oui, dit-il, « il
faut régler rapidement cette question. Il faut installer à Moscou une quantité
suffisante de bonnes toilettes. Il faut construire des toilettes souterraines
dans le centre de la ville […] et aussi sur la place Rouge ». Il

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