Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
Vom Netzwerk:
célèbres pour Richard Strauss, Elektra et Le Chevalier à la rose , Stefan Zweig a pris la relève auprès du maître. Il rédige pour lui le texte d’un opéra qui s’inspire (comme son Volpone , mais sur le mode sentimental) d’une pièce originale de Ben Jonson, La Femme silencieuse . Les deux hommes, si différents l’un de l’autre, s’entendent bien. Ils se voient souvent pour préparer l’opéra, tant à Salzbourg qu’à Garmisch, chez Strauss. Zweig admire le talent de musicien vieillissant, « le plus grand compositeur vivant en Allemagne » et observe avec un vif intérêt la façon dont il travaille, réussissant à maintenir jusque dans les moments cruciaux de l’inspiration un magnifique équilibre entre sa pensée et l’organisation de sa vie. Quant à Strauss, emballé par l’écriture du livret, il porte à Zweig beaucoup d’estime. Un soir, dans sa maison de Garmisch, il interprète pour lui seul au piano la première esquisse de La Femme silencieuse . Un courant d’émotion passe entre les deux artistes.
     
    Leur alliance n’allait pas de soi. Strauss est devenu une des figures emblématiques du nouveau régime. Hitler adore sa musique, à l’égal de celle de Wagner. Depuis qu’il a fait enlever la statue de Mendelssohn devant le Gewandhaus de Leipzig, et interdire, parce que juifs, la musique de presque tous les compositeurs allemands, Richard Strauss règne en Allemagne sur l’opéra et sur le concert. Hitler apprécie tout particulièrement ses Lieder. Et ne perd pas une occasion, dans le désert culturel qui s’annonce, de mettre en valeur ce « génie » qui a de surcroît le mérite de ne pas bouder le national-socialisme. Strauss accepte la présidence de la Chambre impériale de musique, la Reichsmusikkammer, qui, instituée en septembre 1933, doit réglementer la musique selon les nouvelles lois nazies, et entretient des relations d’amitié avec les lieutenants de Hitler, Goering et Goebbels. Il n’hésite pas à se compromettre pour sauver son œuvre et aussi sa famille – son fils a une épouse juive, ses petits-enfants ne sont donc pas de purs Aryens. « Avec son égoïsme d’artiste, qu’il avouait ouvertement et froidement, dira Zweig indulgent, toute espèce de régime lui était au fond indifférent. » Il n’en demeure pas moins que cette collaboration du compositeur préféré d’Adolf Hitler avec Stefan Zweig pouvait apparaître, d’un côté comme de l’autre, incongrue en des temps si troubles.
     
    Au début de l’année 1933, tandis que Brûlant secret est mis au ban du cinéma, le livret de La Femme silencieuse est presque achevé et les parties d’orchestre du premier acte déjà écrites, quand Hitler fait voter une loi qui interdit à tout Juif de se produire dans quelque domaine artistique que ce soit, littéraire, musical, ou théâtral. Zweig, sûr de devoir s’effacer, écrit aussitôt à Richard Strauss pour lui proposer de choisir un autre librettiste de langue allemande. Strauss, sans hésiter, refuse et écrit à Zweig lettre sur lettre pour le convaincre de continuer son travail, au-delà même de cet opéra, puisqu’il lui propose d’en commencer un second ! Malgré ses liens avec le pouvoir, il n’hésite pas à défendre avec entêtement et courage son tandem avec un Juif. « Il ne songeait pas à permettre à n’importe qui, dira Zweig, de lui interdire une collaboration avec moi. » Strauss rencontre Goebbels et use de son influence pour non seulement garder le livret de Zweig, mais pour que le nom de l’auteur ne disparaisse pas de l’affiche. Les pourparlers traînent en longueur.
     
    Le 10 mai 1933, les nazis brûlent les livres. A Berlin, sur l’une des places de l’avenue Unter den Linden, en pleine nuit, lors d’une scène digne du Moyen Age, des procès de sorcières et de l’Inquisition, des étudiants nazis mettent le feu, en chantant, à un bûcher de plus de vingt mille volumes. Zweig, ou son œuvre complète, a le triste honneur de partir en fumée. Avec d’autres auteurs de langue allemande, dont la plupart sont ses amis, comme Thomas Mann – prix Nobel en 1929 ! –, Heinrich Mann, Lion Feuchtwanger, Erich Maria Remarque, Arthur Schnitzler, son homonyme Arnold Zweig (de nationalité allemande), Jakob Wassermann, Franz Werfel, Albert Einstein ou Sigmund Freud. Sous l’œil attentif du docteur Goebbels qui ordonne la cérémonie et déclare devant les flammes qu’« elles éclairent

Weitere Kostenlose Bücher