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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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assistante ne lui apparaîtra que lentement, la liaison prudente et tenue secrète évoluant au fil des mois en couple officieux.
     
    Lotte, petite-fille d’un rabbin de Francfort, vit à Londres avec sa mère et son frère, Manfred, depuis 1933. Elle est née en Silésie, à Katowice, capitale de la sidérurgie, à la frontière de la Prusse et de la Pologne, dans une région ballottée depuis toujours par l’Histoire. Son père était quincaillier. Il est mort en 1931, laissant à sa famille de quoi quitter un territoire où l’antisémitisme est des plus virulents, et partir vivre modestement, en exil. Originaire de la petite bourgeoisie, la jeune femme a reçu une bonne éducation. Elle parle anglais couramment, ayant passé tout un été au Wittingham College de Hove. Discrète et même effacée, Friderike l’appellera bientôt avec agacement « la femme silencieuse », du nom de l’héroïne de cet opéra que Zweig a écrit, non en pensant à elle – il ne la connaissait pas encore – mais en devinant peut-être qu’elle serait un jour dans sa vie. Le surnom lui convient : elle ne parle guère, ose rarement avancer une opinion, un jugement, et approuve ce que dit Zweig, ce qu’il écrit comme ce qu’il propose, avec une douceur et une docilité extatiques. C’est l’admiratrice absolue, la dévote que l’écrivain recherche. Pas une critique, pas même en demi-teinte, ne s’échappe jamais de sa bouche qui, comme dans le conte de fées allemand, ne s’ouvre que pour laisser s’échapper des roses, les compliments et les approbations qu’il attend. Autant Friderike exerçait à l’envi son talent de conseillère et s’efforçait de corriger ses défauts, d’amender son mari, en le rassurant, en le forçant à l’optimisme, autant avec Lotte le rapport s’inverse-t-il. Paternel autant que Friderike fut maternelle, c’est Zweig qui joue maintenant le rôle protecteur et consolateur, c’est Zweig qui guide et qui ordonne. Lotte, sa maîtresse secrète, est une femme-enfant. Elle dépend de lui financièrement, intellectuellement et moralement. Elle se laisse conduire, est toute obéissance et dévotion. Son dévouement flatte Zweig, ainsi que sa jeunesse, lui donnant un regain de vie, une espérance qui lui fait du bien. « Je me sens à l’aube d’une nouvelle aventure », écrit-il à un ami, sans mentionner Lotte, en lui parlant de sa vie à Londres. Ses lettres à Roth et à Rolland portent la trace de ce changement. Mais il n’est pas né pour être un père, toute charge d’âme pèse à celui qui a déjà tant de peine à se supporter lui-même.
     
    Lotte est une jeune fille. Zweig la voit ainsi, à cause de la différence d’âge, il n’a pas l’impression d’être avec une adulte, mais près d’une adolescente timide, craintive, dont la vie et le bonheur dépendent de lui seul. « J’ai senti chez vous dès le départ une telle fraîcheur », lui écrit-il en 1934. Sa jeunesse l’émeut. « Ce serait pour moi une bonne pensée que de vous savoir gaie, heureuse… Vous devez vous reposer complètement », lui dit-il encore. On dirait que sa présence met un baume sur sa blessure, éloigne les sombres démons de la vieillesse, de la tristesse, et le poids des malheurs futurs. Emerveillée, elle prend en dictée Marie Stuart , puis accompagne l’auteur en Ecosse, pour un travail d’études et de recherches qui est aussi une lune de miel. Friderike croit d’autant mieux au zèle de la collaboratrice que Zweig dans ses lettres à son épouse ne laisse rien filtrer de ses sentiments, ni de l’attachement de plus en plus profond qui le lie à sa jeune secrétaire. C’est la première fois, dans une histoire faite d’aventures sans lendemain, qu’il noue une liaison. Stable et régulière.
     
    A Londres, il ne se montre pas encore en public avec Lotte et se rend seul au théâtre ou à l’opéra. Cette histoire singulière sera-t-elle provisoire, comme tout ce qui semble s’attacher à ses pas ? Rien n’est simple désormais dans sa vie. Si, à Londres, malgré le climat, il apprécie la liberté qui règne – personne, dit-il, n’y regarde l’insigne que vous portez au revers de la veste –, s’il y travaille sans effort, comme aux premiers temps de sa déjà longue carrière, avec un enthousiasme qu’il croyait perdu – Marie Stuart contient un peu de cette jubilation qu’il a redécouverte à Londres, à l’occasion de ce qu’il croit encore

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