Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
Vom Netzwerk:
être une parenthèse dans sa vie –, il ne veut pas parler d’exil. Sa vie, dit-il, est un voyage, dont l’Angleterre n’est qu’une escale. L’Autriche, à laquelle il ne cesse de penser, en souffrant pour elle, n’est pas si loin de Londres. Il peut à tout moment y retourner. Et il y retourne en effet, incapable de briser le lien qui le relie à son passé. De mars à mai 1935, il séjourne à Vienne, à l’hôtel Regina et va chaque jour voir sa mère qui est, à quatre-vingts ans révolus, alerte et pleine d’entrain. Il constate qu’agitée d’une inquiétude constante, elle ne tient pas en place et passe son temps à entrer et à sortir. Elle a comme son plus jeune fils la même nature inquiète, à la limite du névrotique. Comme lui, elle ressent les invisibles courants néfastes dans l’atmosphère. Il assiste à son dernier festival de Salzbourg, applaudit le 29 juillet une représentation de Falstaff. Après un bref séjour à Marienbad avec Friderike – Lotte est, bien sûr, demeurée à Londres –, il repasse par Vienne, en septembre. Il a du mal à s’arracher à son pays, la nostalgie le tenaille, il souffre de repartir mais ne revient pas sur sa décision : l’Autriche est perdue, ne cesse- t-il de répéter, il faut couper les ponts. Friderike lui reproche de voir des spectres partout. Très en colère, elle le taxe d’être wahnsinnig , c’est-à-dire fou. Comme Jérémie, il passe pour un prophète de malheur. Friderike, pour la première fois, s’affirme en désaccord profond, sur l’essentiel. Aussi aspire-t-il plus que jamais à la douce compréhension de Lotte, à sa confiance illimitée.
     
    De retour en Angleterre, il loue un autre appartement, à peine plus grand, pour y contenir les livres et les objets qu’il rapporte de Vienne – peu de choses en fait – et de là, intime l’ordre à Friderike de vider la maison de Salzbourg et de la mettre en vente. Elle devra, de mauvaise grâce, se plier à sa volonté. Le déménagement sera effectif dès le mois de novembre. En octobre 1935, il lui a écrit, assez sèchement, que ce qu’il cherche en ce moment, c’est « une solution provisoire, un logement de sécurité, une adresse, un endroit où je puisse retrouver mes affaires les plus importantes ». Rien de plus. Il pense l’avoir trouvé, ce gîte provisoire, au 49 Hallam Street. Et il ajoute : « Je n’ai pas l’intention de voler son pays à quiconque. Je n’ai qu’un seul désir : la paix dans le monde et chez moi. »
     

    Recommencer ou continuer ?
     
    Une double force commande ses mouvements. L’une, centrifuge, l’attire comme un aimant vers le cœur de l’Europe, à chacun de ses voyages il croit venue la dernière fois. Comment se détacher de ce qu’il aime tant, et dont il a le sentiment qu’il va être privé pour le reste de ses jours ? A Vienne, à Salzbourg, à Paris, à Rome ou à Naples, sa nostalgie grandit. Il observe le ciel et les monuments, leur beauté et leur charme immuables, mais tout autant les changements diffus dans l’atmosphère. Il note que les gens ne sont plus ce qu’ils étaient et que la vie dans les pays qui lui sont chers, où il se plaisait à vivre, a subi une étrange altération. Les effets de la politique internationale se font sentir jusque dans la plus belle ville du monde. Ce « Paris ailé qui vous donnait des ailes » de sa jeunesse n’est plus. L’irritation nationaliste se manifeste partout où qu’il aille, une agressivité, une impalpable raideur a succédé aux rapports cordiaux et spontanés, comme à la nonchalance, et l’on ne peut plus désormais passer les frontières, jadis si aisées à franchir, qu’au terme de contrôles policiers et muni d’un passeport aux couleurs et aux armes de son pays. S’en est allé le temps où l’on pouvait voler d’un point de l’Europe à un autre, sans papiers, sans menaces d’être fouillé et interrogé, et où l’on jouissait, dit-il, d’une liberté sans pareille. Durant ces premières années en Angleterre, il se rend moins souvent à Paris et préfère séjourner à Nice, où la douceur des hivers méditerranéens le console des aigreurs londoniennes, et où il a le bonheur de retrouver la petite communauté de langue allemande en exil – Joseph Roth, René Schickele, Hermann Kesten, Cholem Asch – mais aussi Jules Romains, qui vient de se remarier avec une jeune fille, Lise, Igor Stravinski ou H.G. Wells. En décembre 1934,

Weitere Kostenlose Bücher