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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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durement expié, tous ceux qui l’ont aidé, le malheur les frappe ». Sa mission héroïque s’achève lamentablement, puisque Charles Quint revend au Portugal pour une poignée de ducats les îles précieuses qu’il a découvertes. Quant au détroit qu’il a trouvé, il ne sera guère emprunté pendant des siècles que pour forger une légende funeste : les bateaux y font naufrage ; pour les marins, le détroit de Magellan est l’un des rendez-vous de l’enfer.
     
    Ce qui intéressait Zweig dans ce personnage et dans son aventure extraordinaire, c’est bien sûr la calamité qui s’attache aux pas d’un homme, des plus hardis et des plus obstinés, que rien, ni les tempêtes, ni les trahisons, ni le cynisme des rois, ne détourne jamais de sa route. Ce qu’il a voulu entreprendre, Magellan l’a fait. Sans peur des conséquences, et sans tenir compte des jugements d’autrui. En accord avec ses rêves et son ambition, il est allé jusqu’au bout, dans la quête de soi. « Ce n’est jamais l’utilité d’une action qui en fait la valeur morale. Seul enrichit l’humanité, d’une façon durable, celui qui en accroît les connaissances et en renforce la conscience créatrice. » Cette biographie n’est pas la énième consacrée à l’austère et sombre navigateur, mais un portrait du héros selon Zweig, un modèle qu’il propose et se propose, pour affronter l’existence, en des temps troublés, hostiles à l’individu, à ses projets comme à ses rêves. L’exploit de Magellan, selon Zweig, c’est d’être resté fidèle à lui-même, malgré l’adversité. L’image pathétique des cinq petits navires partis à la conquête du monde, avec pour guide la figure patibulaire de ce grand rêveur devant l’Eternel, le hante et lui fait honte – Schade , dit-il. « La faim voyageait avec eux, la mort les entourait sous mille formes sur mer et sur terre, le danger qui les menaçait venait à la fois de l’homme et des éléments. Personne, ils le savaient, ne leur porterait aide, aucune voile ne cinglerait à leur rencontre sur ces mers inconnues, personne ne pourrait les sauver de la détresse et du malheur, ou, en cas de naufrage, faire connaître leur mort. » Lui-même, objet de ce phénomène de transfert dont parle Freud, ne se sent-il pas comme un fragile navire, flottant à la dérive sur un océan hostile et plein de pièges ?
     
    L’année 1937 se solde pour Zweig par une dépression nerveuse. Légère mais tenace, elle se traduit par un sentiment de découragement, et physiquement par une apathie, une lassitude que cet homme actif, perpétuellement agité et travailleur, n’a encore jamais éprouvée. Il ne peut pas écrire plus de deux heures d’affilée, il est fatigué des livres et des amis, de la vie et de l’amour. « Même en la phase ultime de nos arrangements, écrit-il à sa femme le 27 juin 1937, tu n’as pu me faire confiance : peut-être as-tu eu raison, car moi-même je n’ai plus confiance en moi. » Prématurément usé, en proie aux doutes et aux regrets, rongé de nostalgie, miné par des visions de cauchemar, il se dit « complètement épuisé », « terriblement épuisé », « terriblement fatigué », chacune de ses lettres porte l’aveu de sa souffrance. A Marienbad puis à Lucerne avec Friderike qui a d’ordinaire le pouvoir de lui remonter le moral, mais qui cette fois échoue et mesure combien elle a perdu de son influence, il tente de soigner un mal, conséquence physique d’un intense désarroi moral. « Je veux vivre et travailler dans la retraite la plus profonde » : ce vœu, émis à Marienbad où il séjourne à la villa Souvenir – le nom lui va comme un gant –, il ne parviendra pas, malgré ses efforts, à le vivre. Les soucis, les remords le poursuivent. La réalité le contraint chaque jour, où qu’il soit, où qu’il aille, à affronter tumultes, problèmes et peines. A la fin de l’année, la maison du Kapuzinerberg est enfin vendue, pour une somme dérisoire – 63 000 schillings – à un grand commerçant de Salzbourg. Friderike et ses filles s’installent provisoirement à Vienne, avant de revenir, contre les avis de Zweig, habiter la ville où elles se sentent le mieux à l’abri. Friderike loue une maison dans le quartier du Nonntal. Zweig juge stupide et dangereuse cette décision de Friderike qui s’entête dans son Osterreicherei , sa « manie autrichienne ». En janvier et en février 1938,

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