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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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mois, l’écrivain et sa compagne, toujours dans son rôle de secrétaire, sillonnent les Etats-Unis. A New York, ils retrouvent quelques amis de la petite communauté allemande en exil, Hermann Broch, qui travaille à La Mort de Virgile, Ernst Toller et Einstein, mais aussi Klaus Mann qui, comme son père, vient d’arriver de Sanary. Zweig revoit son frère, Alfred, qui a émigré dès avant les accords de Munich et entrepris des démarches pour être naturalisé américain. Il se promène avec Salvador Dali et son épouse Gala, avec lesquels il est lié depuis Londres, et qui ne sont que de passage à Manhattan. Ils ne quitteront l’Europe, pour toute la durée de la guerre, que l’année suivante. Zweig, un soir, assiste à une représentation de son Jérémie, que la compagnie du théâtre Guild a mis en scène. A Princeton, il déjeune avec Thomas Mann, qui tente de réorganiser, selon les mêmes rites familiaux immuables, l’emploi du temps de sa vie à Munich. Puis il entreprend en train le long voyage qui va le conduire dans trente villes américaines, de la Pennsylvanie à la Californie, en passant par l’Indiana, le Minnesota, l’Ohio, le Missouri, la Louisiane et le Texas. Ce vaste tour américain a pour lui le charme de la découverte, il croit entreprendre la conquête du Nouveau Monde. Partout, il prononce des conférences sur le monde d’hier et la nécessité d’en sauvegarder les valeurs pour l’avenir. Il parle des poètes et des romanciers, d’Erasme et de Castellion, toute son œuvre plaide pour la paix, contre la barbarie. Partout, il est accueilli avec respect et attendu avec impatience. Le public, nombreux à ses conférences, l’applaudit avec enthousiasme sinon avec ferveur, mais rien ne distrait sa mélancolie, quand bien même se vérifie, une fois de plus, qu’il n’est pas seul, que quantité d’hommes et de femmes, dans des pays étrangers, dans les métropoles comme dans des provinces reculées, éprouvent les mêmes craintes et les mêmes espoirs. Les gens entendent son message, s’ils ne partagent pas tous son point de vue. Pour les Américains, l’Europe est si loin et si petite ! Zweig s’efforce de leur montrer qu’un océan n’est rien, que la dictature peut le franchir d’un bond, que le fascisme et le fanatisme en général peuvent un jour déferler sur le Nouveau Monde, après avoir détruit l’Ancien. Mais jusque dans la communion qu’il crée avec ses auditeurs, il se sent blessé. Le présent et l’avenir lui pèsent. Pas un instant, malgré la splendeur des paysages, malgré l’accueil des Américains, il ne peut se défaire de cette obsession qui tourne à l’angoisse : jusqu’où les démocraties occidentales laisseront-elles aller Hitler ? Tout au long de son périple, il a vécu les yeux fixés sur l’autre rive de l’océan ; le bruit des bottes nazies et la voix du dictateur l’ont poursuivi d’une escale à l’autre. Le tourbillon de ses occupations ne l’a pas détaché de ce qui est pour lui l’essentiel : le destin de l’Europe.
     
    Une fois de plus, ses peurs sont justifiées. De retour à New York, après une dernière halte à Toronto, il remonte tristement avec Lotte sur le luxueux paquebot. L’appréhension l’étreint. La traversée de l’Atlantique est sans histoires, mais il revient à Londres quelques jours à peine avant que la Wehrmacht effectue une entrée triomphale, le 15 mars 1939, à Prague. L’ancienne capitale du royaume de Bohême, la ville des Réformateurs et de Franz Kafka, est elle aussi aux mains des fascistes. « Une vague recouvre l’autre, dit Zweig, nous sommes cloués dans le cercueil de l’Histoire. » Après Prague, il en est sûr, les Allemands envahiront la ville ailée de sa jeunesse et de ses amours : « Je tremble pour Paris, confie-t-il à un ami, ce dernier refuge de notre culture. »
     

    Le Juif errant
     
    Devant le triste spectacle qu’orchestre en Allemagne et en Autriche le chef des hordes nazies, devant la grande traque raciste qui vise les Juifs, il songe à l’histoire tragique du peuple auquel il appartient ; malgré son désir d’échapper aux clans et aux stéréotypes, malgré sa volonté affirmée d’assimilation, force lui est de reconnaître l’évidence : les circonstances se chargent de lui rappeler qu’il est juif. Tous ses efforts pour s’intégrer à l’Autriche, à l’Allemagne, à l’Europe, n’effaceront jamais cette fatalité qui sourd

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