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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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Schuschnigg ! Zweig l’avait mis en garde, depuis des mois. Il lui avait conseillé de venir le rejoindre en Angleterre et d’y transporter sa maison d’édition : ils auraient pu ensemble continuer leur travail depuis Londres. Herbert Reichner ne l’a pas plus écouté qu’Alfred ou Friderike. Et c’est dans les pires conditions qu’il s’enfuit, par Zurich, et le rejoint à Londres. Toute la production de Reichner Verlag est aussitôt saisie, ainsi que les biens personnels de l’éditeur. La source vive des livres de Zweig, publiés en allemand pour son dernier public allemand, est définitivement tarie. Symbole de cette mort : le premier autodafé de livres, dont bien sûr il est un des auteurs choisis, a lieu à Salzbourg, sur la place de l’Université.
     
    Egon Fridell, écrivain, conférencier et comédien à ses heures, antinazi farouche, auteur d’une Histoire de la civilisation contemporaine, qui condamnait la barbarie mais espérait en un dictateur dont l’évangile serait l’amour, se suicide en se jetant par la fenêtre quelques semaines après l’Anschluss. Rudolf Beer, célèbre directeur de théâtre, qui, quelques jours auparavant, en présence de Bertha Zuckerkandel, déclarait encore que des « nazis à la Viennoise ne seront jamais bien terribles ! » est massacré dans la rue. Bertha Zuckerkandel elle-même réussit à s’enfuir en France, avec l’un de ses petits-fils ; elle y rejoint sa sœur, qui est l’épouse du frère de Clemenceau. Tous les cercles intellectuels sont brisés, les foyers juifs ruinés, détruits ou sous la menace de l’être, la terreur règne sur l’Autriche. Comme elle règne déjà sur l’Allemagne, et comme elle va régner bientôt, Zweig en est convaincu, sur une Europe qui ne défend plus ses valeurs. Erasme et Castellion peuvent pleurer des larmes de sang au paradis des humanistes.
     
    « Allemagne, patrie aliénée, défigurée, hideuse, que nous ne pouvions plus voir que dans nos cauchemars », écrit Klaus Mann. Pour tous les émigrés de langue allemande, s’opère une déchirure, dont la plaie, pour certains, ne cicatrisera jamais. Il y a d’un côté l’Allemagne nazie, « défigurée, hideuse », de l’autre ce qu’ils appellent tous « l’autre Allemagne », celle des poètes et des musiciens, « notre Allemagne », qui n’a plus voix au chapitre et qui survit, blessée et pitoyable, parmi ses ressortissants en exil. Les accords de Munich, le 30 septembre 1938, scellent l’annexion de l’Autriche et se concluent par la poignée de main tristement historique entre Daladier, Hitler et Chamberlain. La croix gammée impose son style. A Londres, Zweig n’a plus aucune illusion. C’en est fini du rêve européen. Sans enthousiasme, réduit à régler au plus vite sa situation de réfugié politique, il demande la naturalisation britannique. Il n’aime pas vraiment l’Angleterre, le vieux respect qu’il éprouvait pour son esprit démocratique a en outre sombré avec Munich, mais il s’agit de préserver une liberté plus que jamais compromise. La condition d’apatride, même si son cœur reste cosmopolite, lui paraît une source de problèmes de toutes sortes, une entrave à l’autonomie, aux voyages, à toute action, à toute décision. Et, plus profondément, une sorte de malédiction. Avec la nationalité britannique, Stefan Zweig pense échapper non seulement aux tracasseries administratives qui l’exaspèrent, mais aux poursuites, aux traques et à la fatalité d’être juif. L’antisémitisme, sans être absent du Royaume-Uni, est moins virulent qu’ailleurs. Surtout, par la naturalisation, il veut combattre le sentiment d’insécurité qui s’attache à l’apatride, en lui « broyant les nerfs », ainsi qu’il le raconte dans ses souvenirs. Dans une lettre à René Schickele, il parle, à propos de sa nationalité perdue, de « chute dans le vide ». La séparation consommée avec l’Autriche lui donne le vertige. Il sent qu’il « titube dans le vide, les yeux ouverts », répétera-t-il dans Le Monde d’hier.
     
    Il se refuse à devenir un Juif errant. Etre un homme sans patrie, savoir que « partout où on prend pied, on peut être à chaque instant refoulé », lui paraît le plus odieux, le plus cruel des destins. Il fait donc jouer appuis et influences pour obtenir cette citoyenneté britannique, dernier recours avant la chute. « Sans racines, on devient une ombre »,

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