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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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fils d’un inspecteur de banque, il a comme Rilke passé les vingt-cinq ans en 1900, mais sa gloire est ancienne. Hugo von Hofmannstahl est un autre Keats, un autre Rimbaud. Ses poésies et ses plus beaux « drames lyriques » ainsi qu’il les nomme sans excès de modestie – Hier, La Mort du Titien, Le Fou et la Mort –, il les a composés alors qu’il était encore au lycée et publiés sous le pseudonyme de Loris, pour ne pas enfreindre la sacro-sainte règle qui interdit à un lycéen autrichien de compromettre le nom des siens en publiant son patronyme dans un journal ou sur un opuscule… Zweig a découvert Hofmannstahl dans Feuilles pour l’art, une revue allemande à laquelle il s’est très tôt abonné, parce qu’elle était une tribune pour tous les jeunes poètes qui veulent en finir avec le classicisme, le romantisme et le naturalisme, ces écoles vieillies, et trouver un souffle neuf pour leur génération. Le directeur de la revue, Stefan George, poète lui-même, auteur d’ Hymnes, de Pèlerinages et d’ Algabal, y exprime une vision aristocratique de l’art pour l’art. Il y tonne contre la société bismarckienne, militariste et matérialiste, glorifie Novalis et Hölderlin parce qu’il croit en la mission des poètes, en leur rôle de prophètes, pacificateurs, réconciliateurs. A qui veut bien le lire, dans ces Feuilles qui volent de Berlin à Vienne, passent par Prague et Budapest, au rythme de publications inégales, fantaisistes mais toujours véhémentes et toujours étonnantes, George annonce un renouveau spirituel.
     
    Pour Stefan Zweig, confiné dans son monde viennois, tout ce qu’écrit Hofmannstahl et qu’il dévore avec passion est « comme un cristal éclairé du dedans, sombre et ardent à la fois ». Il a reçu de plein fouet le choc de ses vers. D’une telle perfection, d’une telle « infaillibilité dans la maîtrise de la langue allemande », écrira-t-il, que « nous n’en avions jamais entendu d’aucun poète vivant, nous les avions à peine jugés possible depuis Goethe ». Or ce poète extraordinaire, ce génie, capable de l’emporter vers le monde idéal, a lui aussi à peu près son âge. En 1897, il avait seize ans, Zweig a assisté à une conférence de son idole – dont il connaît déjà par cœur plusieurs poèmes – au Club scientifique de Vienne. Une vingtaine de personnes, guère plus dans son souvenir, étaient venues entendre ce jeune garçon imberbe, dont la voix qui a mal mué dégage un désagréable sifflement de fausset, parler sur l’art et les artistes, sur la vie et sur le monde. D’abord avec gaucherie, puis de mieux en mieux jusqu’à atteindre cette perfection tellement étonnante qui est la griffe de Hofmannstahl, le poète disait des choses violentes et ténébreuses, d’une intelligence, d’une profondeur qui ont laissé planer sur la salle, quand il a eu fini, un long silence et ont marqué Zweig au fer rouge. Hofmannstahl, agile et jaillissante idole, surgie dans le monde ennuyeux de son adolescence, l’a encouragé à s’élancer à son tour, « sombre et ardent » comme lui, pour atteindre d’un coup d’aile la terre tant promise, l’autre vie… Plus encore que Rilke, Hofmannstahl a été pour Zweig un extraordinaire ferment d’énergie. Il l’a aidé à croire en un possible avenir. Il a soulevé la trappe. « Voici qu’il avait réussi à surmonter l’espace et son étroitesse, écrira-t-il, sa ville et sa famille, par cet essor dans l’illimité. »
     
    Au temps glorieux de la valse et de l’opérette, existe à Vienne un cercle de poètes, dramaturges, romanciers et journalistes, qu’on appelle Jeune Vienne ( Jung-Wien ) . Comment Zweig aurait-il résisté à l’appel de ce groupe, qui revendique la jeunesse, en fait sa bannière, quand seuls les dinosaures croient gouverner le monde et ordonner l’avenir ? Ce cercle – on l’appelle Kreis en allemand – se réunit au Café Central, depuis que le Griendsteidl, son premier quartier général, a été démoli. Ses ténors sont des écrivains d’une quarantaine d’années, qui ont su reconnaître le génie de Hofmannstahl et l’ont accueilli parmi eux. Autour d’une même table où se pressent toutes sortes de personnalités diverses, dans une épaisse fumée de tabac, on reconnaît Hermann Bahr, grand, noir, dans un costume noir, avec un style d’imprécateur, qui exerce sur l’assemblée une aura un peu inquiétante. Mélange

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