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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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faut-il y voir l’influence de Friderike, qu’il a mise au courant de cette liaison et de son goût des « épisodes ». Elle n’exige pas de sa part une fidélité absolue. Elle ne lui demande rien que de choisir, pour une fois, entre Marcelle et elle. Elle fermera les yeux sur tout le reste. Zweig, en témoignage de son attachement, renonce, non sans mélancolie, à sa petite Française, qui s’effacera avec le sourire et sans lui en vouloir, en mai 1914. Mais c’est le seul sacrifice qu’il lui consentira jamais. Après avoir longtemps préféré le caractère provisoire de ses liaisons, il est décidé à entamer une nouvelle existence, plus stable et plus bourgeoise. Friderike l’aidera, il le sent bien, à lutter contre ses démons. « Elle a le don de me tranquilliser », dit-il. En l’apaisant, tout en respectant sa chère liberté, elle présente pour une femme beaucoup de qualités !
     
    Fin 1913, malgré le contexte catholique de l’Autriche, elle divorce de Felix von Winternitz. Il lui laisse son nom. Comme elle n’a pas le droit de se remarier et que le concubinage ne fait pas partie de son monde, elle s’établit seule, avec Alix et Suse, dans un modeste pavillon de banlieue, à Baden, dont l’atmosphère provinciale et le climat propice aux poumons de sa fille cadette la retiennent loin de Vienne. Zweig lui rend visite, passe la nuit, s’installe quelques jours, avant de repartir vers d’autres destinations. Bien qu’ils se considèrent liés, ils mènent chacun leur vie. Tandis qu’elle s’occupe de la maison et des enfants, écrit des livres et des articles et surtout se préoccupe de Steffi, qui règne sur son univers féminin, lui poursuit son œuvre… et ne se prive pas d’aventures parallèles. Il a pour Friderike un amour de raison. Il apprécie son dévouement, sa tendresse, mais n’éprouve pour elle nulle passion. « J’aimerais qu’elle se débarrasse de sa sensualité, écrit-il, qui perturbe chez elle la pure sensation que j’ai de son admirable univers. »
     
    Toute sa vie, Zweig verra une frontière entre l’amour et l’érotisme. L’amour, c’est la fidélité de Friderike, compagne rassurante et bienveillante près de laquelle il trouve réconfort et optimisme. L’érotisme, c’était Marcelle, ce sont les rencontres secrètes, vouées à un destin éphémère. L’œuvre, plus souple et plus généreuse, intégrera dans des récits magnifiques les deux tendances qui s’affrontent en lui sans se résoudre. Des personnages, comme dans Amok ou la Lettre d’une inconnue , dans bien d’autres nouvelles encore, illustrent son idéal de réconciliation. Sexe et tendresse cohabitent parfois dans un être, Eros avec Héra. Mais pour lui-même, son idéal de femme ne variera pas : c’est bien la servante-maîtresse, ombre familière et discrète qui l’incarne, chargée le jour des soucis quotidiens, la nuit offrant son corps, sans rien demander en échange de ses offrandes qu’une caresse parfois, comme un bon chien. Friderike n’aura qu’un seul rôle à jouer : « Je crois en toi mais n’exige rien de toi », lui a-t-elle promis.
     
    Quand elle sera lasse, devenue moins docile, après des années de bons et loyaux services, il la remplacera. Dans un livre-portrait 2 que Friderike écrira après leur séparation et qui reste un chaleureux hommage à l’homme comme à l’écrivain, elle apporte cette précision critique sur leur vie intime : « il professait l’unité du couple, même s’il ne put ou ne voulut jamais franchir le fossé qui sépare l’homme de la femme ». Seul compte pour Zweig, dans cette relation difficile entre les deux sexes, ce qui peut servir une œuvre. Egoïsme d’artiste ou d’intellectuel ? La femme ne saurait être un obstacle au travail d’écrire.
     
    « Les heures passées à tes côtés tandis que ta plume courait comme le vent sur les feuilles, lui écrit Friderike en juin 1914, je les oublierai aussi peu que j’oublierai nos nuits. »
     
    2 Stefan Zweig, Wie ich ihn erlebte , Neuer Verlag, 1947.
     

    L’Europe en guerre
     
    A Baden, près de Friderike, tandis qu’il s’accorde une promenade entre deux pages de son Dostoïevski , un voisin vigneron fait remarquer que l’été 1914 s’annonce exceptionnel. Il fait beau, très chaud, le soleil brille dans un ciel d’azur. Dans sa vie aussi c’est l’embellie. Zweig travaille avec facilité, il a beaucoup d’amis, il est libre et

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