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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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comptent bien peu à côté. » Il fait des vœux pour que l’Allemagne sorte victorieuse de sa campagne et se réjouit des premières batailles qu’elle remporte. Il sent que son avenir, comme celui de l’Autriche, est entre les mains de la Prusse, cette ancienne rivale. « Dieu protège l’Allemagne ! », ne cesse-t-il de se dire. L’Autriche, son propre pays, lui inspire peu confiance. Il la sent incapable de prendre son sort en main, et déplore dans son journal l’incapacité militaire de ses dirigeants et la mollesse de tempérament de ses compatriotes. A Vienne, écrit-il, désolé et dégoûté, « les femmes se promènent en robes claires, minaudent, rient, personne ne voit plus loin que le bout de son nez, chacun ne vit que pour l’instant. » Le lendemain, exaspéré, il se répète : « Seule chose insupportable : les femmes en robes blanches, enjouées, lascives, refusant de comprendre quoi que ce soit à l’extrême gravité du moment – viennoises, eh oui, jusqu’au bout des ongles. » Et le surlendemain, désabusé, « rien, dit-il, ne peut refréner la soif de jouissance des Viennois ». Le 15 août, comparant ses compatriotes aux Allemands, méthodiques, disciplinés et lancés dans un implacable assaut : « Quand donc ce peuple frivole apprendra-t-il à être sérieux ? »
     
    Les revers des Alliés ne lui arrachent aucune larme. Il suit avec satisfaction la progression des troupes de Guillaume II sur le front de l’Ouest. Pour la France, la Belgique et l’Angleterre, qui étaient ses patries d’adoption, il a des mots très durs. Ses amis sont maintenant dans le camp des ennemis. Il parle de l’entêtement et de l’arrogance des Français, coupables d’envenimer le conflit par chauvinisme, stigmatise le sens du commerce, la cupidité des Anglais, qui voient dans la guerre une source de profits. « La France se bat pour sa vanité et l’Angleterre pour son porte-monnaie », résume-t-il non sans perfidie à l’intention de son éditeur à Leipzig. Pour la première et la seule fois de sa vie, il réagit en partisan. La responsabilité des événements incombe aux autres – lui est du côté de ses compatriotes. Même le bombardement de la cathédrale de Reims, le 24 septembre, laisse l’homme de culture, amoureux des vestiges du passé, à peu près indifférent. Il ira jusqu’à soupçonner une manœuvre des Alliés qui auraient voulu contraindre les Allemands à cet acte de barbarie, afin de les discréditer.
     
    Du côté oriental, il est beaucoup plus inquiet. A Lemberg, une bataille met aux prises les Russes et les troupes de François-Joseph. On parle déjà de 70 000 morts autrichiens. Tandis que Friderike s’engage comme infirmière dans l’un des nombreux hôpitaux montés à la hâte à Baden et, membre de l’Union des femmes autrichiennes, participe activement, par un soutien civil, à l’effort de guerre, Stefan Zweig s’engage à la Croix Jaune et Noire, une orga nisation de la municipalité de Vienne qui vient en aide aux démunis. La situation de la capitale, dont les habitants, si frivoles selon Zweig, n’ont renoncé ni à l’opéra, ni aux concerts, ni au théâtre, commence à se détériorer, la nourriture manque, l’argent perd de sa valeur, la misère fait son apparition. Lui-même à trente-deux ans, affecté aux Landstürmer, un corps de vétérans, déclaré inapte au service armé par un premier conseil de révision, est en disponibilité pour un autre emploi. Il a mis de côté tout travail personnel, sous la pression des événements, rien d’autre ne lui paraît important que le sort militaire de l’Autriche. Comme il n’a rien à faire, il souffre d’être à l’écart, les femmes le regardent d’un mauvais œil quand il passe, alors qu’il a l’âge de porter l’uniforme. Autour de lui, tous les amis sont partis ou sont sur le départ : Felix von Winternitz, son propre frère, Alfred Zweig, sont enrôlés, et même les poètes affûtent leurs armes. Hugo von Hofmannstahl, le phare de son adolescence, se déclare avec fougue patriote et Franz Werfel, son cadet de dix ans, dont il encourage les débuts, l’auteur de L’Ami du monde (Der Weltfreund) , se prépare à rejoindre son unité de combat. Les idées nationales contre lesquelles Zweig nourrissait de la méfiance se répandent dans les cercles les plus rebelles au culte du drapeau. Pris dans l’élan, il abandonne provisoirement Dostoïevski pour

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