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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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malade dans sa villa de Careggi. Ses médecins, pour soigner son estomac délabré, lui firent avaler une potion contenant de la poudre de diamant. Curieuse idée, dont le résultat ne se fit pas attendre : le 8 avril, le Magnifique expirait, emportant avec lui la plus belle harmonie de cette Italie de la Renaissance. À Rome, Rodrigue Borgia allait devenir pape. Et Machiavel d’écrire :
    « Aussitôt après le trépas de Laurent, les mauvaises semences commencèrent à pousser, lesquelles un peu plus tard, à défaut d’homme qui les pût défricher, ruinèrent et ruinent encore maintenant l’Italie… »

Este   (FERRARE)

Une Phèdre de quinze ans : Parisina
    Le long bateau plat glissait lentement le long des canaux. La chaleur écrasait la plaine et faisait flamber, au loin, les tours rouges de Ferrare. L’ennui qui suintait de ce jour d’été trop chaud semblait presque palpable. Même les musiciens installés sous une tente à l’avant de la barge ne tiraient plus que des accords languissants. D’ailleurs, à quoi bon jouer ? Étendue sur la soie de ses coussins brodés, la jeune duchesse avait l’air de dormir… Il n’y avait pas un souffle d’air. La lumière intense vibrait…
    Pourtant, Parisina d’Este ne dormait pas. Elle s’ennuyait tellement qu’elle n’en avait même plus envie. Les jours se succédaient, tous semblables, tous d’une désespérante monotonie. Il n’y avait aucune raison pour que cela vînt un jour à changer. L’automne viendrait, puis l’hiver, puis le printemps et à nouveau l’été, mais elle, Parisina, demeurerait à jamais prisonnière de sa grandeur, d’un rang dont déjà elle était accablée. Et elle n’avait que quinze ans !
    Il y avait trois mois seulement que, par un beau jour printanier de cette année 1424, elle avait épousé le maître de Ferrare, le duc Nicolo d’Este, qui avait déjà répudié une épouse parce qu’elle ne lui avait point donné d’enfant. Nicolo voulait un héritier légitime. C’est pourquoi, sur sa réputation de beauté, il était venu à Rimini demander au seigneur Malatesta la main de sa plus jeune fille. Ainsi, Parisina était-elle devenue duchesse de Ferrare et l’épouse d’un homme qui aurait pu largement être son père.
    À dire vrai, l’âge ne faisait rien à la chose. À quarante ans, Nicolo d’Este gardait du charme, de la séduction, des yeux gais et un corps d’athlète. Il n’avait rien du barbon répugnant et très vite, Parisina s’était habituée à l’idée de l’aimer. Il lui avait enseigné l’amour et, en cette matière, ce grand coureur de jupons était un maître. Parisina avait donc aimé l’amour en même temps que le professeur.
    Certes, ce printemps avait été beau, allègre, et les couleurs de l’avenir semblaient riantes à la jeune épousée. Mais… cela n’avait été qu’un printemps. Et les printemps italiens sont courts. Nicolo, vite lassé d’une jeune épouse jolie mais inexpérimentée, était retourné sans tarder à des plaisirs de plus haut goût. Durant ce mois d’août qui bientôt s’achèverait, il n’avait pas passé deux nuits avec Parisina. Et l’ennui s’était mis à ronger la jeune duchesse.
    Elle tourna vers sa suivante, Bianca, des yeux lourds de larmes.
    — Dis aux bateliers de revenir vers la ville… Cette promenade n’amuse personne et moi moins encore. Au palais, en revanche, il fera presque frais…
    — La nuit va bientôt venir. Pourquoi ne pas aller jusqu’à l’une de vos maisons de campagne ? Vous pourriez regarder danser les paysans.
    — Et moi ? avec qui danserai-je, puisque mon seigneur n’est pas auprès de moi ? Non, Bianca, j’aime mieux rentrer.
    Lentement, la barge vira de bord et reprit le chemin de Ferrare. Ce fut pour y trouver un page qui portait un message du duc. Il partait chasser chez l’un de ses vassaux, ne rentrerait pas avant huit jours. Alors, Parisina s’enferma chez elle pour pleurer tandis que, derrière sa porte close, les servantes se regardaient en hochant la tête.
    — Pauvre petite duchesse, murmura Bianca. Si jeune, si jolie, et déjà délaissée.
    Mais il n’y avait rien à faire à cela. Les filles de grandes maisons avaient presque toutes le même destin : un mariage sans amour et l’abandon si elles ne se hâtaient pas de procréer. De toute façon, un interminable ennui.
     
    L’automne, dont Parisina n’attendait rien de meilleur, apporta cependant une nouveauté.

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