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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Dans les premiers jours d’octobre, un petit cortège franchit les douves du château rouge aux quatre donjons. En tête, chevauchait un garçon d’une vingtaine d’années seulement, mais si beau, de si fière tournure, que la jeune duchesse demeura de longues minutes à sa fenêtre, pour le regarder… À son allure, ce ne pouvait être qu’un prince, même si l’escorte comme le bagage étaient assez modestes, et Parisina se tourna vers l’une de ses dames d’honneur, dona Marella qui, au cours d’une vie déjà longue, avait rencontré beaucoup de monde.
    — Qui est-ce ? demanda-t-elle.
    La dame haussa les épaules avec un mélange de dédain et d’indulgence.
    — Personne qui doive retenir longtemps votre attention, Madona. Le seigneur Ugo est fort beau, j’en conviens, mais il est votre beau-fils.
    — À moi ? mais comment ? le duc n’a pas d’enfants.
    — Monseigneur l’a eu, jadis, d’une fille de la ville. Elle était belle, mais de petite naissance, et ne pouvait être épousée. Néanmoins, selon la coutume, le duc a tenu à ce que son fils fût élevé à la cour, à son rang, puisque pour un garçon, seul compte le sang du père.
    — Pourquoi ne l’ai-je encore jamais vu ?
    — Parce qu’il était à l’université de Bologne, où il étudie pour entrer dans la Sainte Église…
    Parisina eut une moue de déception.
    — Un prêtre, ce beau jeune homme ? Est-ce que ce n’est pas dommage, Marella ? Le duc n’a pas d’autre fils.
    — Vous êtes là pour y pourvoir, Madona. Quant au sacerdoce, le seigneur Ugo, qui est fort pieux, le désire. Pourquoi donc le duc refuserait-il de le laisser suivre sa voie ? Il sera cardinal, ce qui est fort beau.
    — Pourquoi vient-il alors ?
    — Simple visite à son père. Il vient d’être malade. Un peu de repos ici lui fera du bien.
    Parisina ne posa pas d’autre question. Elle s’éloigna de la fenêtre, songeuse. D’ailleurs, le bel Ugo était descendu de cheval et avait pénétré dans le palais.
    Le soir venu, quand son époux le lui présenta, Parisina trouva qu’il était encore plus beau vu de près. Personne n’avait de cils aussi longs sur des yeux aussi sombres. En revanche, elle fit la grimace quand le jeune homme, avec beaucoup de respect, l’appela « Mère », comme le voulait l’usage.
    — Il nous restera jusqu’après la Noël, précisa le duc. J’espère, Madame, que vous aurez sa présence pour agréable.
    — Il est votre fils, Monseigneur, répondit-elle, les yeux pudiquement baissés. Il ne peut que m’être cher.
    Nicolo d’Este partit d’un gros rire.
    — Pas trop, tout de même ! N’oubliez pas que je dois vous être plus cher que n’importe quel être humain.
    Les yeux sur Ugo, elle répondit, machinalement :
    — Comment pourrait-il en être autrement, Monseigneur ?
    Quand on passa à table, Parisina constata que le jeune homme, assis près d’elle, mangeait à peine. Il avait dit les grâces, avant d’entamer son repas et depuis, les yeux baissés vers son plat, il gardait un maintien convenant davantage à un moine qu’à un prince. Il répondait à peine aux tentatives de conversation de sa jeune belle-mère et quand la robe de brocart argenté de Parisina frôlait sa jambe il se reculait imperceptiblement. Son manège n’échappa pas à son père, qui lui lança soudain :
    — Mange, bois et réjouis-toi, Ugo ! Que diable, tu n’es pas encore prêtre. Comporte-toi en prince, non en couventine.
    Ainsi apostrophé, Ugo releva la tête. Un éclair brilla dans ses yeux. D’un geste nerveux, il saisit sa coupe d’or, la vida d’un trait, puis, la reposant avec un sourire dédaigneux :
    — Si c’est là geste de prince, voilà qui est fait.
    Nicolo haussa les épaules et se remit à boire pour son propre compte, mais Parisina tressaillit. Les yeux noirs d’Ugo étaient maintenant posés sur elle avec une très visible admiration. Elle lui sourit mais détourna très vite les yeux, murmurant un peu nerveusement :
    — Votre père n’admet pas que l’on puisse agir autrement que lui-même. Il ne comprend pas…
    — Moi, fit Ugo sans cesser de la regarder, il est ici bien d’autres choses que je ne comprends pas.
     
    Les jours qui suivirent, Parisina ne rencontra guère Ugo. Alléguant sa santé compromise, le jeune homme quittait à peine son appartement, où son confesseur lui rendait visite chaque matin. Dans tout le palais, on commentait inlassablement

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