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Sur la scène comme au ciel

Sur la scène comme au ciel

Titel: Sur la scène comme au ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Rouaud
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trouve le rayon
funéraire et la quincaillerie, et où notre maman pleurait, et entre ses larmes
confiait à une cliente qu’elle ne croyait pas qu’elle lui survivrait un an,
c’est-à-dire qu’il lui semblait au-dessus de ses forces, au-delà de sa volonté,
de survivre un an à cet homme. Ce que j’ignorais, c’est que ma petite fille
n’avait rien perdu de mes propos. Ce qui n’est pas facile à entendre pour une
mère. Les enfants, on les regarde jouer, on les entend rire, se chamailler et
l’on se dit que pour eux l’affaire est classée. On leur envie presque leur
apparente innocence, cette faculté d’oubli. Pour un peu on se scandaliserait de
les sentir aussi peu atteints. En fait, ils renferment tout. A la lecture de
son premier livre j’ai compris qu’ils avaient tout gardé en mémoire. C’est même
lui, ce livre, qui a ravivé en moi certains souvenirs que les années avaient
recouverts. Après l’avoir achevé, j’ai appelé mon fils et je lui ai seulement
dit : Tu m’as fait faire un sacré retour en arrière. Rien d’autre. Il
savait ce que je voulais dire. Il n’était pas besoin d’ajouter grand-chose. Ce
voyage dans le temps, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on l’entreprend. Et
pour lui non plus ce ne fut certainement pas une partie de plaisir. Je l’ai
découvert en le lisant. Je n’aurais même jamais imaginé qu’ils aient à ce point
souffert de l’absence de leur père. Angers Chère Madame Comment vous
exprimer mon désarroi, ma peine, quels mots seraient assez forts pour vous dire
tout ce que j’ai ressenti devant ce grand lit, devant votre douleur et celle de
tous ceux présents. Je ne peux encore croire que c’est vrai, moi qui me faisais
joie de la sienne de nous voir réunis dans le même travail. Je voudrais pouvoir
vous donner tout le courage dont vous avez besoin, vous dire tout le bien que
j’ai toujours entendu de Joseph, toute la sympathie et la confiance qu’il a su
créer autour de lui. Il est entré dans la Paix du Seigneur, que Dieu garde son
âme et pour nous tous nous ne pourrons jamais l’oublier. Je vous souhaite,
Madame, beaucoup de courage et vous assure de ma profonde et très attristée
sympathie. N’hésitez pas à me demander tout ce que vous voudrez pour quoi que
ce soit. Rennes Chère Madame Nous avons été très peinés d’apprendre le décès de
notre ami, votre cher époux. Sa forte constitution nous donnait l’impression
qu’il était invulnérable à la maladie. Lorient Chère Madame Nous n’avons pas le
bonheur de vous connaître, mais dans les semaines qui viennent nous irons nous
recueillir sur la tombe de votre mari pour qui nous avions une très grande
estime à cause de sa grande honnêteté et sa grande délicatesse. Nous ne
l’oublierons jamais. C’était un représentant de très grande classe. Nous
compatissons doublement à votre grande peine car il était également l’ami de
famille, et notre conseiller ainsi que notre confident. Nos pauvres mots ne
sauront jamais exprimer le sentiment que nous éprouvons dans cette perte
brutale. Plouay Chère Madame C’est avec beaucoup de chagrin que j’ai appris le
décès de votre mari. Je n’ose presque pas vous demander si votre mari est mort
de sa maladie, son hernie discale, vous savez sans doute, votre mari a dû vous
en parler. J’ai une hernie discale aussi qui me fait toujours souffrir et ça dure
depuis juin 1962, et pas beaucoup d’amélioration. Votre mari a été à Quiberon,
il devait retourner dans 8 jours après son passage chez nous, a-t-il été ?
J’ai pensé peut-être que c’est à la suite de ces massages qui auraient pu lui
être néfastes. ROME, Missions africaines Chère Madame C’est déjà une belle
grâce que le bon Dieu ait rappelé Joseph à Lui au lendemain de sa communion de
Noël, et je suis sûr que cette pensée doit vous apporter une certaine
consolation dans votre chagrin.
    Ce qui ferait sourire aujourd’hui, ou s’indigner, cette
étrange consolation, mais sur le coup on ne relève même pas. Le grand lit à
quoi fait allusion cet ami de Joseph, avec qui il devait commencer à travailler
la semaine suivante, c’est-à-dire pour le compte de la même maison d’Angers, à
l’époque on disait maison pour entreprise ou société, c’est celui où son
cadavre reposait, devant lequel durant trois longs jours, jusque tard dans la
nuit, ce fut un défilé incessant. Les gens n’en revenaient pas. Toutes les
lettres

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