Sur ordre royal
d’avance ?
— Il pourra être en pleine santé, lui assura sa mère, même si les plis soucieux autour de sa bouche démentaient son ton apaisant. Vous étiez en avance et aviez tout ce qu’il fallait.
Une autre crampe crispa le ventre de Roslynn et elle lâcha un gémissement sourd pendant qu’elle l’endurait.
— Pas de sang, ma dame ? demanda la sage-femme à dame Eloïse, en s’approchant avec le breuvage fait d’écorce de saule.
— Non.
Les deux femmes échangèrent un regard.
— Quoi ? Qu’y a-t-il ? demanda Roslynn, essoufflée par les douleurs.
— Tout va bien, dit sa mère en passant sa main fraîche sur son front.
Une autre crampe arriva et Roslynn se cabra et se tordit, faisant tomber la coupe de la main de la sage-femme.
— Allons, allons, ma petite, vous devez rester tranquille, ordonna cette dernière d’un ton un peu moins brusque. Cela pourrait durer longtemps.
Elle s’adressa à dame Eloïse.
— Il se peut que nous ayons besoin d’aide pour la tenir.
— Je resterai tranquille ! s’écria Roslynn.
Elle ne voulait pas que les servantes la voient lutter ou entendent ses cris de douleur. Elle imaginait les regards qu’elles échangeraient et savait qu’elle ne pourrait les supporter en cet instant. Elles sauraient suffisamment compter pour se rendre compte que neuf mois ne s’étaient pas écoulés depuis son mariage.
Et Madoc… Qu’allait-il…
Elle grogna de nouveau et se mordit la lèvre, luttant pour ne pas hurler, pour endurer la douleur, pour souffrir en silence. N’avait-elle pas survécu aux coups depoing et de pied de Wimarc et appris à ne pas crier, à cacher le mal qu’il lui faisait ?
Et si Wimarc lui avait causé des dommages, en la frappant ? Si le bébé arrivait trop tôt à cause d’une blessure que son premier époux lui avait faite au ventre ?
Si elle était mourante ?
Elle devait dire à Madoc qu’elle regrettait beaucoup de choses, mais surtout de l’avoir blessé. De n’avoir pas été plus forte et plus courageuse, et de ne pas avoir cru qu’il pouvait se contrôler quand il était hors de lui. Elle voulait lui dire qu’il avait payé le prix, sans l’avoir mérité, des actions d’un autre homme, tout comme elle. Qu’elle regrettait d’avoir quitté Llanpowell et qu’elle voulait rester.
Parce qu’elle l’aimait et qu’elle avait besoin de lui.
— Mère, allez chercher Madoc, implora-t-elle alors qu’une autre douleur s’emparait d’elle comme un poing lui serrant le ventre. Je vous en prie, amenez-le !
— Je ne laisse pas entrer les époux, dit la sage-femme d’un ton sec. Ils ne font que se mettre dans mes pattes. Ou bien ils s’évanouissent, aussi forts qu’ils aient l’air. J’ai vu des hommes grands et robustes s’étioler comme…
— Mère, de grâce !
— Bien sûr. Comme vous voudrez, Roslynn, dit dame Eloïse en se levant. Tout de suite.
La sage-femme était sur le point de protester, quand elle vit le visage de dame Eloïse et ferma sagement la bouche.
***
— Votre père n’a jamais aimé Ivor, vous savez, déclara Lloyd après avoir bu une autre gorgée decervoise, pendant que Madoc arpentait l’estrade. Bien trop intelligent, avait-il coutume de dire. Mais vous l’aimiez bien et le garçon n’avait rien fait de mal, pour autant qu’il le sache, alors il a laissé faire, même si ce n’était pas un secret qu’Ivor n’aimait pas les Normands.
Tendant l’oreille pour guetter le moindre bruit venant de la chambre du dessus, Madoc but une gorgée de vin. Ivor détestait les Normands parce qu’il les blâmait de sa naissance précoce et de sa jambe abîmée. Et si son enfant était infirme parce qu’il naissait trop tôt ? Mars, avait dit la sage-femme. Le bébé aurait dû naître en mars, et l’on venait à peine de commencer février.
— Ecoutez, dit Lloyd en agitant sa chope. Le frère de Ioan est né un bon mois en avance et c’était un beau et grand bébé. Sa sainte mère disait toujours qu’il aurait causé sa mort s’il était arrivé à la date prévue. Elle aurait cru mettre au monde un bœuf ! ajouta-t-il en gloussant, avant de boire de nouveau. Ah, que Dieu la bénisse, elle se posait là, la mère de Ioan.
— L’enfant est de moi, dit soudain Madoc, assez fort pour que tout le monde dans la grand-salle l’entende.
Les soldats, les serviteurs, Bron qui apportait du vin, son oncle… Nul ne devait douter qu’il avait confiance
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