Sur ordre royal
des barques à fond plat y étaient attachées ou tiréessur la rive. De l’autre côté du cours d’eau se dressait une forêt de saules, de frênes et de chênes, de pins et d’aulnes, si près les uns des autres que c’était comme s’ils concouraient pour atteindre la rivière les premiers.
Plus loin en aval, on pouvait entendre les cris joyeux d’enfants qui jouaient et de temps à autre la sévère réprimande d’une mère. La langue était le gallois, mais le ton était universel.
— Ah, c’est le paradis, n’est-ce pas ? dit Lloyd dans un soupir tandis qu’ils contournaient un méandre.
Ils étaient hors de vue du village, à présent, sinon des murailles du château.
Il désigna le bosquet d’aulnes en avant d’eux.
— Je vous avais dit que c’était un endroit agréable.
— Oui, en effet, convint-elle en admirant la beauté rude des arbres, des rochers et de la rivière, avec la montagne qui s’élevait derrière.
Ils entrèrent finalement dans le bosquet… et Roslynn faillit pousser un cri de stupeur face au spectacle qui s’offrit soudain à elle. Un homme était en train de sortir de l’eau, un homme complètement nu. Leur tournant le dos, il tendit ses longs bras puissants au-dessus de sa tête comme pour rendre hommage aux rayons du soleil. De l’eau brillait sur son dos musclé et ses cheveux noirs et ondulés s’étalaient sur ses larges épaules tandis qu’il s’ébrouait comme un ours…
L’Ours de Brecon.
5
Rouge d’embarras, brûlante d’indignation, Roslynn recula en titubant, trébuchant presque sur ses jupes. Elle s’empressa de les saisir à deux mains et de s’éloigner d’un pas vif, s’empêchant de courir uniquement dans le souci de préserver le peu de dignité qu’il lui restait encore.
Quelle arrogance ! Madoc pensait-il qu’elle serait tellement transportée de désir à la vue de son corps magnifique qu’elle lui tomberait dans les bras, le suppliant de la prendre pour femme ? Ou est-ce qu’il avait eu pour but de la séduire à tout prix, qu’ils se marient ou non ? Tous ses discours sur l’honneur d’un homme n’avaient-ils été que mensonges, finalement ? Avait-elle de nouveau été trompée ?
— Ma dame !
Elle ne tint pas compte des efforts de Lloyd pour la retenir, et ne ralentit pas son allure. Il était complice de cette… répugnante exhibition. Et elle qui le prenait pour un aimable vieil homme, peut-être un peu trop soucieux de voir son neveu se remarier, et avec un penchant pour la boisson !
— Ma dame, de grâce ! Arrêtez-vous et laissez-moi vous expliquer ! criait Lloyd, à bout de souffle.
A l’entendre, il pouvait à peine respirer, et même si elle ne pensait pas que quelque explication puisse excuser ce qui venait de se passer, elle ne voulait pas qu’il se rende malade pour autant, quoi qu’il ait fait.
Elle décida donc de s’arrêter pour l’attendre, les bras croisés et tapant du pied pour marquer son impatience et sa colère. Le Gallois arriva finalement à sa hauteur, le souffle court, une main sur la poitrine.
— Inutile de détaler ainsi, ma dame ! C’est un accident, voilà tout.
C’était ce qu’il disait, mais le rire qui pétillait dans ses yeux le trahissait.
— Ecoutez-moi bien, dit-elle. C’est la deuxième fois que vous me jouez un tour, et ce sera la dernière. Si vous et votre neveu pensez que le voir nu me rendra plus encline à l’épouser, vous vous trompez. Wimarc de Werre était beau comme un rêve de jouvencelle et il était l’homme le plus mauvais, cruel et corrompu d’Angleterre. Je ne me laisserai plus jamais influencer par de telles considérations.
— Madoc n’a rien à voir là-dedans, je vous le promets ! protesta le Gallois, apparemment atterré. Je suis le seul responsable.
Roslynn haussa un sourcil d’un air impérieux.
— Il ne vous a pas envoyé me chercher pour m’amener à la rivière afin que je puisse le voir… dans toute sa magnificence ?
— Non. C’était entièrement mon idée, ma dame. Ilest rentré échauffé et en sueur et il avait besoin de se laver, alors j’ai suggéré la rivière et j’ai pensé que vous…
Il s’arrêta et prit une grande inspiration.
— Ecoutez, ma dame, il est seul depuis trop longtemps. Il a besoin d’une épouse et vous lui plaisez.
— Nul doute que ma dot ne sera pas de trop non plus, glissa Roslynn sur un ton perfide.
— Je mentirais si je disais qu’elle ne sera
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