Sur ordre royal
d’attiser la colère de Madoc, une idée qui effrayait Roslynn au plus haut point. Si elle décidait d’agir ainsi, elle devrait s’assurer de ne pas se trouver seule avec lui, ce qui ne devrait pas être trop difficile.
Mais, avant qu’elle ne puisse prendre sa décision, elle entendit des pas vifs qui approchaient.
Qui que ce soit, elle se montrerait calme et réservée, se promit-elle. Polie, mais distante. Elle…
A sa grande déception, ce ne fut pas sire Madoc qui vint se poster au pied de la couchette de sire Alfred, mais son oncle.
— Ce pauvre homme ne tient pas la boisson, pas vrai ? chuchota-t-il, en regardant sire Alfred comme s’il contemplait un enfant malade.
— Il devrait se porter mieux d’ici ce soir, répondit doucement Roslynn. Mais je pense que vous ne devriez plus lui offrir de braggot .
— Je ne le ferai pas, acquiesça Lloyd. Ecoutez, ma dame : Madoc est revenu et il souhaite vous voir. Comme il fait une belle journée, il vous attendra au bord de la rivière, dans un bosquet d’aulnes. Un endroit très agréable pour une conversation, si vous voulez bien l’y rejoindre.
Roslynn avait bien envie de fuir l’air étouffant de la pièce, sans compter que sire Alfred n’avait pas besoin d’elle, néanmoins, elle hésita. Quitter le château sans leNormand pour l’escorter pouvait être considéré comme peu sage ou peu convenable. D’un autre côté, si elle refusait l’invitation de son hôte, il pourrait prendre cela comme une insulte, surtout que son oncle Lloyd était là pour servir de chaperon.
— Fort bien, accepta-t-elle.
— Excellent ! approuva Lloyd.
Tandis qu’elle se levait pour l’accompagner, il prit un linge sur la table de chevet. Elle avait baigné le visage de sire Alfred quand il s’était réveillé pour se plaindre des maudites boissons galloises. Mais ce linge, plus grand, était sec. Que voulait en faire Lloyd ?
Intriguée, elle l’observa s’essuyer le front puis glisser le linge dans sa ceinture.
— J’étais pressé de vous trouver, et je sue comme un cheval.
Acceptant son explication sans poser plus de questions, elle prit son bras et ils sortirent ensemble, passant devant les serviteurs occupés à remplacer les flambeaux dans les supports en fer. Roslynn sentit leurs regards attentifs posés sur elle et se demanda si, un jour, elle ne ferait plus l’objet de ragots et de spéculations.
Dehors, le temps était toujours aussi agréable. Une légère brise soufflait, chargée d’une odeur d’herbe fraîche promettant de chaudes journées d’été. Malgré leur curiosité, les serviteurs et les soldats de garde n’interrompaient pas leurs tâches tandis qu’ils les suivaient du regard.
Le terrain lui-même était soigné, constata Roslynn, sans rien qui ne soit pas à sa place, et les bâtiments étaient tous en bon état.
Alors qu’ils approchaient des portes, l’intendant apparut soudain au coin de l’un des bâtiments, probablement une resserre à en juger par sa taille plus modeste. Dès qu’il les aperçut, l’homme s’empressa de venir à eux, aussi vite que le lui permettait sa boiterie.
— Eh bien ! s’exclama-t-il. Où partez-vous, tous les deux ? Et sans sire Alfred ?
— Messire Alfred dort et Madoc m’a envoyé chercher dame Roslynn, répondit Lloyd. Il veut avoir une petite conversation avec elle au bord de la rivière, pour profiter de cette belle journée.
— Alors, je ne vous retiendrai pas, répondit Ivor en leur adressant un sourire qui n’impressionna nullement Roslynn.
Il ressemblait trop à celui de Wimarc : c’était plus un rictus qui dénudait les dents qu’une véritable expression de plaisir.
— Une chose que vous feriez bien d’apprendre si vous devez vivre à Llanpowell, ma dame, poursuivit Ivor. Quand Madoc donne un ordre, il s’attend à être obéi, et vite.
— Sinon quoi ? demanda-t-elle.
— Si vous êtes un soldat, service de nuit et rations diminuées, répondit l’intendant. Si vous êtes son ami, ses yeux suffisent à vous faire sentir que vous avez fauté. Si vous êtes son épouse…
Il haussa les épaules et son sourire s’élargit.
— Je ne sais pas. Gwendolyn n’a jamais désobéi, n’est-ce pas, Lloyd ? Elle était une épouse très douce, très bonne pour Madoc. Tout à fait différente de vous, ma dame.
Sire Madoc n’avait-il pas dit qu’il appréciait les femmes de caractère ? s’interrogea Roslynn, intriguée. Et que
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