Sur ordre royal
Roslynn, répondit-il, paraissant sincèrement le regretter. Je voulais seulement plaisanter. Pardonnez mes paroles hâtives. Ou regrettez-vous déjà d’avoir accepté ce mariage ?
Combien d’hommes de sa stature s’excuseraient, et montreraient en plus du remords ? se demanda-t-elle. Combien chercheraient à se faire confirmer un acquiescement qu’elle avait déjà donné ? Maintenant encore, il lui laissait sa liberté. N’était-ce pas un autre signe de la différence entre Madoc et son premier époux ?
— Je suis toujours désireuse de vous épouser, sire, répondit-elle franchement, en songeant une fois encore, pour mieux s’en convaincre, à toutes les qualités qu’il lui avait montrées.
— Bien, dit-il.
Ses yeux bruns pétillèrent et ses lèvres s’incurvèrenten un sourire malicieux qui le fit paraître beaucoup plus jeune. Il lui prit alors la main pour la guider vers le château.
— Mon oncle Lloyd va être si heureux !
— Et sire Alfred si soulagé, ajouta-t-elle, tout en espérant qu’elle avait raison de se fier au seigneur de Llanpowell et qu’elle ne commettait pas une autre erreur désastreuse.
***
Madoc avait l’impression d’avoir gagné un tournoi à mains nues. La réaction de Roslynn lui avait fait craindre le pire : qu’elle le rejette, finalement, après avoir accepté de l’épouser. Il savait désormais qu’il devrait se montrer infiniment prudent avec elle, car il tenait à la garder. Lorsqu’ils entrèrent dans la cour du château, ils trouvèrent Lloyd, les bras écartés, dansant devant le cheval du noble normand comme si ses pieds étaient en feu.
Sire Alfred tourna un visage sévère vers le couple qui arrivait.
— Ainsi, ma dame, vous êtes enfin revenue. Nous allions partir à votre recherche.
Lâchant la main de Roslynn, Madoc passa à grandes enjambées devant son oncle pour se poster face à la monture du Normand.
— Dame Roslynn est mon invitée, dit-il tandis que sa colère montait. Nul mal ne lui sera fait ici, par moi ou n’importe quel homme. Je suis un chevalier honorable, et c’est m’insulter que de suggérer le contraire.
Sire Alfred souffla avec dédain.
— Quoi que vous affirmiez, cette dame est sous ma responsabilité et…
— Si vous êtes sage, vous n’en direz pas plus, l’avertit Madoc, peu soucieux que ce Normand soit l’émissaire du roi ou ait de l’influence à la Cour.
— Alors, ma dame, peut-être voudrez- vous m’expliquer où vous êtes allée seule avec cet homme, répliqua sire Alfred d’un ton sec, en considérant Roslynn d’un regard dédaigneux.
— Certainement, répondit-elle avec un aplomb qui lui rappela Trefor.
Son frère s’était toujours montré calme lorsqu’il faisait face à une catastrophe, jusqu’au jour de son mariage.
— Nous avons marché dans le village en discutant de notre mariage à venir.
Sire Alfred en fut si stupéfait qu’il faillit tomber de son cheval, tandis que Lloyd poussait un cri de joie et se précipitait pour étreindre Roslynn.
— Par tous les saints du pays de Galles, je le savais !
Bien qu’elle ait fait cette annonce avec un certain manque d’enthousiasme, sans doute parce qu’il lui déplaisait d’obéir au roi, elle n’avait du moins pas montré de réticences à la faire, pensa Madoc alors qu’il observait discrètement les serviteurs et les soldats qui se trouvaient dans la cour.
Ainsi qu’il s’y attendait, beaucoup paraissaient surpris. Quelques-uns étaient visiblement mécontents, et un plus grand nombre encore se montraient méfiants. Il fallait espérer que lorsque sire Alfred et ses hommes seraient partis, ils changeraient d’attitude. Après tout,la propre mère de Madoc était normande, et elle avait été bien accueillie par les gens de Llanpowell.
Il ne vit aucune trace d’Ivor ; il était probablement occupé ailleurs, aux affaires du domaine. Quant à la réaction de son intendant à ces nouvelles… Ivor ne serait pas content, Madoc le savait, mais il verrait sûrement le mérite de la décision de son seigneur. En fin de compte.
— Est-ce vrai ? demanda sire Alfred.
— Oui, nous allons nous marier, répondit Madoc tandis que son oncle lâchait sa promise pour lui taper chaleureusement dans le dos. Demain, si dame Roslynn est d’accord.
Avant qu’elle ne change d’avis…
Roslynn poussa une exclamation étouffée, et sire Alfred parut aussi abasourdi que si on lui avait demandé de conduire
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