Sur ordre royal
d’arcs et de pièces d’armures, des carquois suspendus à des crochets et des établis couverts de morceaux de bois, de cuir et de plumes, Madoc trouva son ami près d’une étagère contenant des épées tordues ou cassées, une plume dans ses doigts tachés d’encre. Une petite table supportant un encrier et des rouleaux de parchemin, ainsi que la lampe à huile qui empestait le suif de mouton, se dressait à côté.
— Nous pourrons bientôt toutes les remplacer, déclara Madoc en désignant d’un signe de tête les vieilles armes abîmées qui, même réparées, ne seraient jamais aussi bonnes que celles que la dot de Roslynn permettrait d’acheter.
Ivor fronça les sourcils et posa sa plume.
— Comment allez-vous payer…
Son expression se modifia lentement, se changeant en une grimace de déplaisir non dissimulée.
— Vous allez épouser la Normande.
Madoc appuya une épaule contre les étagères et croisa les bras. Il ne s’était pas attendu que son intendant soit ravi. Néanmoins, la réprobation patente de son ami l’irritait.
De toute façon, qu’Ivor soit d’accord ou non, sa décision était prise.
— Oui, je vais l’épouser.
A son soulagement, Ivor ne protesta pas tandis qu’il prenait l’un des parchemins et se mettait à le rouler.
— Quand ?
— Demain.
L’intendant haussa vivement les sourcils.
— Si vite ?
— Je ne vois pas de raison d’attendre. Plus vite je me marierai, plus tôt nous pourrons utiliser la dot.
Et plus tôt il aurait Roslynn dans son lit.
Quelles qu’aient été les expériences précédentes de sa promise, son baiser avait été… encourageant, pour le moins.
— Oh, oui, certes, et nous pourrions avoir besoin des armes sans tarder, déclara sombrement Ivor. Trefor ne prendra pas bien cette nouvelle. Il pensera probablement que vous comptez utiliser l’argent de la dot et cette alliance avec le roi pour vous emparer de ce qui reste de ses terres.
Madoc n’avait pas considéré la réaction de son frère à son mariage, même s’il aurait dû le faire. Néanmoins, il ne laisserait pas les possibles actions de Trefor le dissuader maintenant.
— Je ne veux pas de ses terres. Je ne les ai jamais voulues et ne les voudrai jamais, affirma-t-il.
— Vous en avez quand même pris la majeure partie, fit remarquer Ivor. Et voici une riche fiancée et, à travers elle, des liens renforcés avec John. Votre frère sera en colère, Madoc, peut-être suffisamment en colère pour faire quelque chose de grave.
Madoc toucha la poignée d’une épée rouillée sur l’étagère à côté de lui.
— Par Dieu, j’espère que non. J’espère qu’il fera preuve d’un peu de sagesse, pour une fois.
— La sagesse n’a jamais été son fort, répliqua Ivor en faisant porter son poids sur sa bonne jambe. Que ferez-vous s’il lève des forces contre vous ?
— Je me défendrai et défendrai ce qui est mien. Je ne fais rien de mal en épousant dame Roslynn.
— Eh bien, prions de nous tromper et qu’il se contente de Pontymwr et de sa dernière incartade pour un moment, dit l’intendant.
Il se mit à rassembler le reste des rouleaux pour les ranger sur une étagère plus petite près de la table.
— Je ferais mieux d’aller aux cuisines et de voir ce que nous avons de disponible pour le festin. Vous auriez pu me laisser quelques jours de plus, Madoc.
Malgré sa vexation apparente, Ivor finit par sourire.
— Enfin… Elle est si charmante que je ne peux dire que je vous blâme, mais Hywel va se mettre dans une colère noire, je n’en doute pas. Alors, s’il se rue sur moi avec un hachoir, ce sera votre faute, acheva-t-il en se dirigeant vers la porte. Vous venez ?
— Dans un moment. Je veux juste jeter un coup d’œil à ces lames. Et si Hywel vous attaque avec un hachoir, envoyez-le-moi, répondit Madoc en souriant.
***
Ivor parti, Madoc n’examina pas les épées ni d’autres armes. Il s’assit sur le bord de la table, les bras croisés, la tête penchée tandis qu’il réfléchissait en silence.
C’était tranquille, ici, et paisible malgré la présence de si nombreuses armes. Le seul bruit qui troublait le silence était le crachotement de la mèche trempée dans du suif, la seule lumière celle de la flamme vacillante.
Avait-il vraiment pris la bonne décision ? se demanda-t-il. Faisait-il ce qu’il y avait de mieux pour son peuple et lui-même ? Ou bien son jugement avait-il été altéré
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