Sur ordre royal
préambule, debout au milieu de la pièce.
— Un espion ? répéta Ivor d’un ton méfiant.
— Oui. Est-il possible que quelqu’un du château fournisse des informations à Trefor ? Sur les va-et-vient de nos visiteurs, sur les endroits où se trouveront mes patrouilles ?
L’intendant se ressaisit vivement.
— Non, je ne le pense pas, affirma-t-il. Votre garnison et vos serviteurs vous sont loyaux, Madoc. Je gagerais ma vie dessus.
Madoc l’aurait fait aussi, jusqu’à ce jour-là.
— Vous êtes certain qu’il n’y a pas un serviteur cupide, un soldat mécontent ou quelqu’un d’autre qui soit prêt à vendre ces informations ?
— Oui, répondit Ivor, même s’il paraissait un peu moins sûr de lui. Ecoutez, Madoc. Même si quelqu’un était tenté d’agir ainsi, il mesurerait ce que vous lui feriez s’il était pris. Et comment Trefor pourrait-il se permettre de débourser la somme nécessaire pour faire prendre un tel risque à un homme ? Les revenus de Pontymwr lui suffisent à peine à engager et à nourrir ses mercenaires, alors soudoyer quelqu’un…
C’était exact et cela réconforta quelque peu Madoc, même s’il remarqua que son intendant paraissait toujours soucieux.
— Si vous soupçonnez quelqu’un d’une telle activité, même si vous n’avez pas de preuves, prévenez-moi, dit-il.
— Bien sûr, acquiesça Ivor.
Il hésita un instant, puis regarda Madoc avec une expression interrogatrice.
— Ne pensez-vous pas que cette histoire est assez étrange ?
— Je ne me serais jamais attendu que Trefor fasse quelque chose d’aussi hardi, alors qu’ils avaient une escorte de soldats normands, répondit Madoc.
— Cela aussi, agréa Ivor. Mais il semble étonnamment généreux de sa part de faire quérir un médecin et une sage-femme qu’il peut mal se payer.
— Nul doute qu’il redoutait les conséquences si quelque chose était arrivé à ma femme, et à juste titre.
L’intendant prit une expression compatissante.
— Peut-être avait-il une autre raison, et je ne parle pas d’amabilité. Et peut-être avait-elle une raison aussi d’aller à Pontymwr.
Madoc fronça les sourcils, déconcerté.
— Quelle sorte de raison ? Elle a été enlevée, emmenée de force, contre son gré.
— Vraiment ?
— Bien sûr ! rétorqua Madoc, offusqué par ce que son intendant insinuait. Vous pensez que Roslynn ou ses parents me mentiraient à ce sujet ? Qu’elle aurait eu un sinistre motif de vouloir rencontrer mon frère ? Et si c’était le cas, ce que je ne crois pas un instant, pourquoi seraient-ils revenus ici ?
— Parce qu’elle est tombée malade et ne pouvait pas aller plus loin, et que votre château est plus confortable. Mais peut-être que cela sert les intérêts de John de vous garder montés l’un contre l’autre, et que ce prétendu enlèvement avait pour but d’enflammer votre querelle. Peut-être n’a-t-elle été envoyée là-bas que pour causer des troubles, ou peut-être avait-elle quelque chose à dire à Trefor.
L’intendant marqua une pause pour laisser ses paroles pénétrer l’esprit de Madoc.
— Que savons-nous réellement d’elle, Madoc ? insista-t-il. Même maintenant, à quel point connaissez-vous vraiment votre épouse ?
Madoc croisa les bras.
— Je refuse de croire que Roslynn soit de mèche avec mon frère, ou qu’elle participe à quelque mission secrète pour le roi.
Pas sa Roslynn. Pas la femme qui avait été si chaude et si aimante, si passionnée et si déterminée à être une châtelaine exemplaire.
L’expression d’Ivor s’adoucit de sympathie.
— Je ne dis pas qu’elle trahirait votre confiance avec plaisir ou même simplement de son plein gré, Madoc. Mais qui sait ce qu’elle a été obligée d’accepter de faire pour le roi afin de ne pas être accusée de trahison et condamnée avec son époux ? Ou afin de montrer sa gratitude ?
Son regard vacilla.
— Même si j’hésite à le dire, je ne suis pas le seul à Llanpowell à me demander… Eh bien, sans mettre votre virilité en doute, Madoc, elle s’est rapidement retrouvée enceinte, non ?
Non. Il ne croirait pas cela non plus, se dit Madoc, outré.
— Gwendolyn a très vite conçu, elle aussi, fit-il remarquer, la voix aussi dure que du fer, sa colère s’échauffant.
— Nul ne doute que vous êtes le père d’Owain,mais Gwendolyn n’était pas une Normande venant de la cour de John, insinua Ivor,
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