Sur ordre royal
rancœurs.
Il passa devant une chaumine, guère plus qu’une hutte en réalité, sur la porte de laquelle se tenait unefemme silencieuse. Les quelques poulets décharnés qui se trouvaient dans la cour grattaient en silence la terre pour trouver de la nourriture.
Contrairement à Llanpowell, il n’y avait quasiment pas de bois, seulement des arbres tordus et disséminés, des genêts, des fougères et des tourbières, et Madoc dut combattre la terreur que l’odeur de terre molle et boueuse éveillait toujours en lui.
Quant à la forteresse, elle méritait à peine de porter ce nom.
Il atteignit les portes percées dans l’unique muraille extérieure et elles s’ouvrirent avant même qu’il n’annonce son arrivée. Par l’ouverture, il aperçut Trefor qui se tenait au milieu de la cour, guère plus grande que la grand-salle de Llanpowell, les mains sur les hanches et la mine renfrognée.
Presque au même moment, la pluie se mit à tomber. Madoc ne tressaillit pas tandis qu’il pénétrait à cheval dans la forteresse de son frère, pas même lorsqu’il démonta et que les portes se refermèrent derrière lui avec un bruit menaçant.
— Qu’est-ce que tu veux ? demanda Trefor, détournant l’attention de Madoc des bâtiments en mauvais état qu’il inspectait avec curiosité.
Outre le donjon en pierre rond et très ancien, il y avait quelques autres constructions de bois pourrissant qui paraissaient calées les unes contre les autres et réparées au hasard.
Madoc regarda son frère qui avait causé tant de problèmes et de douleur depuis six ans. Il lutta pourcontrôler sa rage, afin de faire ce qu’il était venu faire et s’en aller, pour ne plus jamais revoir Trefor.
— Je suis venu te remercier de m’avoir renvoyé mon épouse et ses parents.
Trefor plissa les paupières.
— Elle va bien ?
— Assez bien.
La pluie se mit à tomber plus fort et Trefor s’essuya le visage d’une main avant de marmonner avec réticence, comme la courtoisie le voulait :
— Tu es le bienvenu dans ma grand-salle.
S’il n’avait pas commencé à pleuvoir, Madoc serait resté où il était et aurait laissé entendre à tous ceux de Pontymwr ce qu’il avait à dire. Mais vu les circonstances, et parce que son frère pourrait penser qu’il était effrayé s’il refusait, il inclina la tête et suivit Trefor dans le donjon lugubre et enfumé. Les croisées n’étaient que de simples meurtrières, et il n’y avait pas d’ouverture pour laisser sortir la fumée des réchauds qui ne suffisaient pas à réchauffer la salle glaciale.
A l’intérieur se trouvaient d’autres hommes aux visages rudes qui se mirent debout lorsqu’ils entrèrent, la main sur le pommeau de leur épée, de la suspicion et de la haine dans les yeux. Il y avait également quelques femmes à l’aspect de souillons qui décampèrent, y compris une jeune femme qui avait des cheveux de la couleur de ceux de Gwendolyn. Peut-être Trefor avait-il trouvé en elle une consolation pour la perte de sa promise, pensa-t-il.
Trefor fronça les sourcils tandis qu’il se laissait tomber sur un banc éraflé, près du plus grand réchaud,et faisait sèchement signe à Madoc de prendre place sur un autre banc abîmé en face de lui.
Madoc ne s’assit pas, et la mine de Trefor s’assombrit encore.
— Ce n’est pas aussi beau et propre que ta grand-salle, sans doute, mais je n’ai pas une jolie épouse normande pour mener ma maison, dit-il d’un ton acerbe. Je n’ai pas d’épouse du tout, grâce à toi.
— Ce n’est pas ma faute, répondit Madoc, et je ne suis pas venu pour rappeler le passé ou t’écouter te lamenter. Je suis venu te dire que c’est une bonne chose qu’aucun mal n’ait été causé à mon épouse du fait de tes actions, sinon je t’aurais tué. Si tu reviens sur mes terres une fois de plus, Trefor, si toi ou l’un de tes hommes remettez un pied dans mon domaine, nous vous combattrons. C’est seulement parce que tu as fait quérir un médecin et une sage-femme pour Roslynn que je te donne cet avertissement, au lieu d’attaquer Pontymwr sur-le-champ avec tous mes hommes.
Madoc ignora les grommellements de ceux qui les entouraient et le bruit des épées qu’ils dégainaient. Il regarda la lèvre supérieure de Trefor se relever avec dédain.
— Quoi, tu viens me déclarer la guerre ouverte ? lança son frère. Je te croyais plus susceptible de courir te plaindre au roi normand. Tu es
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