Sur ordre royal
c’était qu’elle ne pouvait dire ce qu’il éprouvait. Elle avait toujours été capable de déchiffrer ses émotions, mais là, c’était comme s’il parlait à travers un voile épais dissimulant ce qu’il pensait.
A quoi pouvait-elle s’attendre après l’avoir quitté ? pensa-t-elle, affligée.
— Beaucoup mieux, répondit-elle.
— Bien. J’aimerais vous parler en privé, Roslynn.
Toujours si froid, si distant. Qu’était-il advenu de son tempérament fougueux ? Comment était-il devenu en si peu de temps si sévère, si réservé ?
N’était-ce pas ce qu’elle souhaitait ? la taquina sa conscience. Une attitude calme, des manières dénuées de colère… mais apparemment de toute autre émotion, aussi.
Elle acquiesça d’un signe de tête et ses parents s’en allèrent aussitôt, tandis que Madoc venait se poster au pied du lit telle une effigie sombre et silencieuse.
— Vous êtes allé voir Trefor, dit-elle, décidant de parler la première s’il ne le faisait pas.
— Pour le prévenir que si ses hommes ou lui remettent le pied sur mes terres, il le regrettera. Car la prochaine fois, j’agirai.
Elle percevait sa ferme résolution, entendait la détermination inflexible de sa voix grave, et elle sut que la menace était authentique. Pour finir, Trefor l’avait poussé trop loin.
Mais même si son frère lui avait causé du tort plus d’une fois, pour quelque raison que ce soit, elle détestait penser qu’elle porterait une part de responsabilité si des hommes de Llanpowell mouraient dans une telle attaque, en particulier Madoc.
— Nous avons été bien traités, comme des hôtes, dit-elle. Nous tous, notre escorte comprise.
— S’il en avait été autrement, mon frère serait déjàmort et ses hommes avec lui. Mais je ne suis pas venu parler de Trefor, déclara Madoc. A ce que j’ai compris, voyager pourrait être mauvais pour vous et l’enfant, et vous devez rester à Llanpowell.
Il ne le lui demandait pas, il le constatait froidement.
Serrant les draps dans ses mains comme s’ils étaient une corde qui la tirerait du puits profond de son désespoir, Roslynn décida qu’elle ne perdrait pas cette occasion de lui parler de son frère, pour essayer de faire sortir un peu de bien de la ruine de leur mariage.
— Trefor dit qu’il a pris vos moutons seulement parce que vous l’avez volé le premier et que, comme vous, il ne cherche qu’une juste réparation.
Madoc croisa ses bras puissants.
— C’est un mensonge, ou une autre des excuses dont il se sert pour se défendre. Il appelle aussi mon mariage avec Gwendolyn un vol et le fait que j’aie hérité de Llanpowell une spoliation.
Roslynn bougea pour se redresser dans le lit.
— Ne se peut-il pas que vous ayez été tous les deux volés par quelqu’un d’autre ? suggéra-t-elle. Ne se peut-il pas que quelqu’un se serve de votre querelle pour dissimuler ses méfaits ? Vous vous êtes contentés de vous accuser mutuellement au lieu de chercher un autre coupable possible.
— Personne d’autre que Trefor n’oserait voler ce qui appartient à Llanpowell, affirma Madoc.
— Ne voulez-vous pas au moins considérer la possibilité que Trefor soit innocent et qu’un tiers soit à blâmer ?
De la colère brilla dans les yeux de Madoc, maiscette fois Roslynn fut heureuse de la voir. Mieux valait le Madoc qu’elle connaissait que ce froid étranger.
— Trefor ment, il essaie seulement de créer plus de problèmes entre nous, répondit-il. Et il y réussit, si vous faites passer sa parole avant la mienne.
— Ce n’est pas ce que je fais, mais vu ce qu’il dit, je serais encline à croire qu’il y a une troisième personne en jeu, qui tire parti de votre querelle.
Elle s’empressa de continuer avant que son époux ne sorte en trombe de la chambre, comme il semblait sur le point de le faire.
— Trefor m’a dit autre chose : que la veille de son mariage avec Gwendolyn, il vous a vu en train de l’embrasser.
Le visage de Madoc s’empourpra et son corps se raidit.
— Voilà la preuve qu’il n’est qu’un scélérat et un menteur ! Je n’ai jamais embrassé Gwendolyn avant que le prêtre n’ait béni notre union.
Une idée soudaine vint à Roslynn.
— Avez-vous embrassé quelqu’un ce jour-là ?
— Non, sinon je…
Il s’interrompit et parut soudain pétrifié.
— Par tous les saints, murmura-t-il avec la voix d’un fantôme dans un sépulcre, ses
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