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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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forêts, des caravanes ou des ghettos.
    Lorsque vint mon tour de partir en convoi, je dus me traîner jusqu’à l’infirmerie pour me présenter devant une commission de sélection. J’avais sans doute l’air d’un squelette vivant, puisqu’il fut décidé que je devais rester à Buchenwald. Pour une fois, et de façon tout à fait inattendue, que ma faiblesse me servait !
    Tout excité de joie, je courus reprendre mes habits. Entre-temps, je m’étais fait voler mon calot et mes chaussures. Il ne me restait pas d’autre solution que de voler ceux d’un autre. Le seul calot qui restait était vert. Je réfléchis, me demandant si cette couleur irait avec le reste de mes vêtements. Porter quelque chose de voyant faisait courir le risque d’attirer l’attention et je ne pouvais pas me permettre d’être remarqué par un garde SS. Mais en même temps, je n’avais pas le choix. Je pris le béret vert, me l’enfonçai sur le crâne et courus à mon bloc, seul, avec l’espoir de n’être ni reconnu, ni repéré.
    Un jour, je vis un enfant de quatre ans, le petit être le plus triste qu’on pût imaginer, tant son retard physique, celui de son comportement et de son langage étaient importants. Chancelant de faiblesse, il végétait comme un animal blessé en produisant des sons rauques dans un mélange d’allemand, de polonais et de yiddish. « C’est l’enfant qu’ils cachent aux SS, me dit-on, son père l’a amené dans son sac à dos. Chaque fois qu’il y a un contrôle, ils bâillonnent ce pauvre diable et le cachent par terre, sous les planches. Quelle vie ! » Je me renseignai, s’il y avait d’autres enfants. « Oui, dans le Grand camp, au bloc 8, celui des enfants. Sinon, les jeunes ont au moins douze ans. » J’appris ainsi qu’au bloc 8, vivaient une centaine de Russes et de Polonais, âgés de quatorze et seize ans, et dont quelques-uns faisaient ouvertement office de « poupées » auprès de certains personnages influents du camp, se jalousant comme des femmes les uns les autres. « Il y a également un bloc de jeunes au Petit camp, m’expliqua-t-on. À ta place, j’essaierais de m’y faire transférer. »
    Je fus finalement envoyé au bloc 66, ce bloc du Petit camp, qui abritait entre 300 et 400 jeunes. Le chef de bloc – un Juif polonais blond, qui avait déjà quelques années d’expérience dans les camps nazis – nous reçut comme d’habitude, avec un grand et solennel discours inaugural. Il semblait beaucoup se soucier de ses protégés et répéta ce que j’avais entendu au bloc d’enregistrement. En l’écoutant, je repensai à notre chef de bloc, le 7a, à Auschwitz, qui – lui aussi – souhaitait tout le meilleur pour nous, mais nous « gueulait » dessus comme un véritable dictateur. Son collègue de Buchenwald en comparaison, apparaissait comme un ami.
    J’étais heureux d’être à nouveau parmi des jeunes et le bloc était le plus agréable que j’ai jamais connu. Même le SS, à qui était remis le rapport d’appel, ne cherchait pas à nous ennuyer, ceci grâce au chef de bloc qui, pour je ne sais quelle raison, réussissait à entretenir de bons rapports avec lui. J’avais de très nombreux camarades juifs, qui venaient des camps de travail ; dans ma chambrée, ils étaient majoritairement polonais, et ceux de la chambrée d’à côté, hongrois.
    Les camarades qui, depuis 1939, avaient vécu dans les ghettos, savaient très peu de choses de monde extérieur. Leur sort avait été beaucoup plus difficile que le mien, et ils avaient été les témoins de scènes horribles et de tragédies épouvantables. Mais ils étaient trop jeunes, trop ignorants pour comprendre ce qui se passait autour d’eux. Leur réaction avait été de se replier comme des bernard-l’ermite et de se retrancher derrière la barrière mentale, qu’ils s’étaient érigée : tout ce qui se trouvait au-delà était hostile à leurs yeux, et ne valait pas la moindre réflexion. La vie au ghetto avait fait qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient entendre parler d’inconnu. Naïvement, ils se méfiaient de tout ce qui était « étranger » et quelques-uns parmi eux me soupçonnaient même d’être un espion à la solde des Allemands.
    Il y avait également deux Juifs allemands, des garçons très sympathiques et cultivés. Ils auraient pu être des camarades idéals pour moi, et pourtant, je les évitais. Leur fierté d’être des « Allemands », des

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