Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
Vom Netzwerk:
qui avait une vieille expérience des camps, un solitaire, pour qui s’occuper des malades était devenu toute sa raison d’être. Contrairement aux autres détenus, il semblait trouver une réelle satisfaction à son travail et faisait preuve d’un don de soi, d’un dévouement et d’une ardeur absolument surprenants. S’il restait quelque chose à manger, il le partageait avec la plus grande équité, et il lui arrivait souvent de prendre sur sa propre ration, pour complémenter celle des quatre adolescents que nous étions.
    Je fis des efforts pour gagner son amitié, mais ce fut en vain. « Sois gentil, ne me parle pas trop longtemps, me disait-il parfois en s’excusant, tu sais, les autres pourraient croire que je te favorise. Les gens malades sont facilement irritables et il faut éviter de les rendre jaloux. »
    Dans cette ennuyeuse et tranquille atmosphère de chambre d’hôpital où il n’y avait rien d’autre à faire que dormir, gémir ou mourir, ma seule distraction était les visites en salle de soins. On me mettait de longues mèches de coton dans la plaie et j’avais l’impression de ressembler à une oie qu’on gavait. C’était atrocement douloureux, mais cela rompait la monotonie ambiante.
    Lorsque la plaie commença à cicatriser, je fus transféré au bloc 21a, avec deux cents autres détenus convalescents, agressifs et querelleurs, qui n’avaient rien d’autre à faire que de se détester mutuellement. Dès qu’ils allaient mieux, ils se battaient. Les rations étaient réquisitionnées sans exception et sans vergogne par un personnel qui profitait du contexte, et jamais elles n’avaient été aussi maigres.
    Enfin, pour aggraver ce tableau d’anarchie, le médecin, un Juif allemand totalement surmené, était brutal et tout le monde le haïssait. Parfois, il lui arrivait de nous frapper et il choisissait toujours ceux qui ne comprenaient pas l’allemand, les traitant de « sales paysans ». Bien que sans raison, je n’échappai pas non plus à ses mauvais traitements. Un jour, au cours d’une visite de contrôle, il arracha la croûte de ma plaie si brutalement, qu’elle se rouvrit et il se mit à m’aboyer dessus : « Dehors ! Je n’ai pas de temps à perdre avec toi. Allez ! Fiche le camp. Au suivant, vite ! »
    J’étais consterné de constater que la plupart de nos supérieurs hiérarchiques, ces gens dont les intrigues faisaient de notre chambrée un enfer plus qu’un hôpital, étaient des nouveaux venus. Ces mêmes prisonniers, qui n’avaient jamais connu la vraie vie au camp, ne comprenaient rien du sens de la misère commune, celle qui avait engendré le respect mutuel entre anciens détenus, ces gens-là nous imposaient leurs quatre volontés ! Dégoûté par la manière dont j’étais traité, j’essayai de reprendre contact avec mon bienfaiteur de jadis, le criminel allemand qui, à l’époque, avait tenu à ce que je sois correctement habillé. Malheureusement, mon espoir, peut-être fondé, ne put se réaliser. Il avait quitté le camp, me dit-on.
    Enfin, après l’avoir tellement supplié et espéré, ce fut ma sortie. En partant, j’eus l’occasion de jeter un regard derrière l’espace clôturé qui faisait face à notre chambrée, entre les mystérieux blocs 10 et 11, où beaucoup de détenus pénétraient, mais dont peu sortaient. Le seul secret que j’y découvris fut dans la cour, entre les fenêtres verrouillées derrière lesquelles des crimes exécutés de sang-froid, d’affreuses tortures et d’horribles expériences se déroulaient : un clapier à lapins.
     
    Pendant mon séjour à l’hôpital, beaucoup de choses s’étaient passées et j’avais manqué des tas de nouvelles. Les conditions de vie au camp restaient inchangées, mais les détenus avaient plus d’espoir. Il semblait que la guerre d’Hitler touchât à sa fin ; la révolte grondait, et pour la première fois, les nazis remplissaient les cellules de torture de ceux qui avaient été les leurs.
    Quotidiennement, des groupes d’une dizaine d’otages débarquaient tout droit d’Allemagne, pour pénétrer dans le bloc 11, sans se douter de ce qui les attendait. Des hommes, des femmes, des enfants, des SS, des officiers supérieurs auxquels on avait arraché leurs insignes, entraient pour ne jamais en ressortir.
    Au même moment, les rues du camp à cet endroit voyaient des détenus allemands chanter, marcher au pas et faire des exercices, dans le cadre

Weitere Kostenlose Bücher