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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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une fois que notre soupe était avalée. Pour nous soutenir les uns les autres, nous nous faisions de grands bonjours, agitant notre calot et elles leur foulard.
    Je demandai s’il y avait parmi elles des Juives d’Allemagne ; je mis mes mains en haut-parleur devant la bouche et leur criai le nom des femmes qui avaient été dans le même convoi que moi. « Non, répondirent-elles, nous n’avons jamais rencontré ces matricules. » Je ne me décourageai pas et envoyai toutes mes amitiés les plus chaleureuses à des gens qu’au fond je ne connaissais pas. Nous ne saluions personne en particulier, mais plutôt toute une jeunesse, une génération montante, qui ne se laisserait jamais abattre.
    Les jours où mes camarades de classe prenaient des grands airs en me disant que je n’étais encore qu’un enfant pour elles, et où les seules femmes que je regardais étaient des adultes, étaient désormais révolus. Je commençais à m’intéresser aux filles, même si nous en voyions peu.
    De jour et de nuit, des femmes détenues travaillaient à l’ Unionswerke , mais l’usine était entourée de fils de fer barbelés et aucun étranger n’y était admis. Les ouvriers étaient tenus au silence, mais nous savions très bien ce qu’ils produisaient, à la simple vue de tout le gravier dans les wagons à ciel ouvert et qui repartait vers les aciéries d’Allemagne sous forme de disques métalliques. C’était la preuve qu’ils fabriquaient des obus, et nous savions même – à la taille de leur diamètre – à quel type d’artillerie ils étaient destinés.
    Parfois nous voyions des femmes, qui étaient en convalescence et avaient été rassemblées en un petit kommando, qui arrachaient les mauvaises herbes. Leur travail consistait à trouver des plantes médicinales sauvages et à ramasser les orties pour la soupe des détenus. Comme elles étaient surveillées, elles n’osaient pas nous parler. Mais lorsqu’elles arrivaient près de nous, leur pauvre corps décharné baissé pour ramasser les herbes, nous apercevions un très léger sourire sur leur visage.
    Un genre de femmes complètement différent était également dans notre camp : les prostituées du bordel, qui se trouvait à l’étage au-dessus de la chambrée des détenus de l’orchestre du camp, au bloc 24. Il se composait de vingt-quatre cabines, coquettement aménagées. Les détenus allemands avaient le droit de s’y rendre une fois tous les quinze jours ; les autres, hormis les Russes, les Tsiganes et les Juifs, avec un petit jeton en métal, pouvaient y aller tous les deux mois. Les Prominenzen du camp y avaient leurs maîtresses, des femmes pour lesquelles apparemment ils éprouvaient vraiment quelque chose. En retour de cadeaux, les filles de joie faisaient durer, la fois suivante, le plaisir un peu au-delà des quinze minutes réglementaires.
    La plupart d’entre elles – qui venaient de l’Europe entière – pratiquaient déjà le plus vieux métier du monde avant leur arrestation. C’était là tout le paradoxe ! Arrêtées parce qu’elles se prostituaient, elles se retrouvaient là pour le plaisir de ceux – geôliers et détenus – qui les avaient jadis pourchassées.
    Elles n’avaient pratiquement jamais le droit de quitter leur poste, et c’était très rare de les voir à la fenêtre. Mais lorsque c’était le cas, nous ne manquions jamais d’aller les observer. Certains parmi nous n’avaient que des paroles de mépris pour ces poupées peinturlurées, d’autres au contraire éprouvaient de la compassion pour elles. Elles étaient des déportées et, à ce titre trouvais-je, méritaient notre respect.
    Souvent, avant de débuter leur longue et épuisante soirée de travail, elles scrutaient la cour et appelaient les prisonniers qui avaient l’air jeunes ou particulièrement faibles, leur disant d’aller se placer sous leur fenêtre ; elles leur lançaient alors une ration de pain. C’était leur manière de nous faire comprendre que malgré tout, ces femmes gardaient un cœur de mère.
    *
     
    Gert l’Effronté, mon plus fidèle ami, travaillait maintenant sur une grande propriété agricole, non loin de Rajsko, ce qui signifiait qu’il devait se lever bien avant cinq heures du matin, marcher pendant plusieurs heures, suer sang et eau au champ et rentrer au camp, épuisé et les mains pleines d’ampoules. Souvent il rentrait après l’appel du soir. Cela dit, travailler en plein milieu de tomates

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